(Billet 399) – Reporter les élections… reposer les électeurs

(Billet 399) – Reporter les élections… reposer les électeurs

Reporter ou ne pas reporter, telle est la question sur les lèvres, et depuis longtemps dans les esprits, des décideurs politiques actifs sur la scène politique, ou situés derrière, ou plus haut… Nous sommes à fin 2020 et à la fin de cette législature qui, finissant, confine à l’imposture. Les électeurs sont au bord de la crise de nerfs, le pays est plongé dans la crise économique et sociale, et 2021 est une année crucialement électorale. Aura-t-il lieu, le scrutin, ou non ?

Ce gouvernement est légitime, sans nul doute, mais son rejet est unanime, sans nulle hésitation. Un sondage sorti ce matin (L’Economiste- Sunergia) montre très clairement la rupture de confiance entre la population et le gouvernement. En avril, 88% des sondés approuvaient le confinement et ses conditions ; cinq mois plus, 65% estiment que le déconfinement a été et est toujours très mal géré. Et personne ne sait précisément, ou même vaguement, de quoi 2021 sera faite…

Or, pour 2021, les élections sont programmées, et depuis 1992, elles se tiennent à leur date, malgré les grands changements intervenus, de règne ou de constitution. Mais ce gouvernement, en dehors de sa légitimité constitutionnelle, affronte un problème de légitimité morale. Désavoué et désormais désapprouvé, suscitant hier la méfiance et aujourd’hui la défiance, il n’est pas plus audible que le reste de la classe politique. Cela tombe bien, puisque personne ne cause… ou bien glose pour dire n’importe quoi comme le chef du PAM Abdellatif Ouahbi qui se déclare non offusqué par une participation de 10% !

Les responsables de partis commencent en revanche à prendre la mesure de la désaffection des électeurs, pris dans leurs engrenages personnels consécutifs à la pandémie. Ces mêmes responsables se mettent même à douter de leurs discours et de leur...

pertinence. Mais qui prendrait la décision de reporter les scrutins ?  L’article 42 de la constitution, qui consacre le roi comme garant du bon fonctionnement des institutions, pourrait constituer un début de réponse.

Le report des élections, qui prolongerait le mandat parlementaire, indiquerait en creux « l’absence » d’un bon fonctionnement de l’institution législative, conformément à une lecture de la constitution dont le Roi avait fait état dans son communiqué de mars 2017 où il déchargeait M. Benkirane de ses fonctions de chef de gouvernement désigné.

Si cette décision de reporter est prise, elle le serait donc par le roi, mais cela ouvrirait la voie à la question du « que faire ? ». Prolonger la durée de vie de ce gouvernement reviendrait à garder une équipe… qui perd. Dissoudre le parlement et avancer les élections ramènerait à la situation actuelle faite de méfiance et empreinte de défiance. Proclamer l’état d’exception, aux termes de l’article 59 de la constitution qui en précise comme conditions, entre autres, « l’entrave au fonctionnement régulier des institutions constitutionnelles » (le report  étant une "entrave" à la régularité) serait une piste de réflexion, même si l’expression « état d’exception » fait peur.

Mais ne sommes-nous pas dans une situation d’exception de facto, et même de jure, avec l’état d’urgence sanitaire ? Confiner une population trois mois durant, bloquer 8 villes dont les principales depuis le 26 juillet, instaurer des couvre-feux à ici et là, voir des blindés, même désarmés, sillonner certaines villes, recenser des dizaines de milliers de destructions d’emploi, constater l’effondrement de pans entiers de l’économie (tourisme, transport aérien, événementiel, commerce, etc)… tout cela ne forme-t-il pas une situation d’exception ?

Et dans une situation d’exception, la confiance reste la seule valeur qui prime. Qui d’autre, en dehors du roi, peut-il encore susciter la confiance ?

Aziz Boucetta