(Billet 368) – Quel Maroc futur sans moralisation de la vie… tout court !

(Billet 368) – Quel Maroc futur sans moralisation de la vie… tout court !

Voilà donc, après plus de trois mois de confinement, d’enfermement, de questionnements… on reprend progressivement la vie « normale », avec moult tâtonnements. Nous ne sommes pas encore sortis de la crise sanitaire que, déjà, on entre dans la récession économique, la dépression sociale, et sans doute l’impasse politique. On a dit et redit que le monde d’après sera différent de celui d’avant, parce que quand on était « dedans », on avait espéré que tant de choses allaient changer. Qu’en est-il ?

Durant ces trois derniers mois et quoiqu’on en dise, le Maroc aura réussi à contenir le virus. Il aura fallu de la conscience, de la patience, des prémisses de bonne gouvernance, et surtout, une résurgence des belles et grandes valeurs qui font une communauté humaine digne de ce nom. La solidarité battait son plein, la confiance était de mise, et les gens étaient, enfin, égaux !

Puis, la levée progressive du confinement s’est accompagnée d’une levée un peu plus rapide de ces valeurs. Tour d’horizon.

1/ L’Etat/gouvernement. Au début, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, et dans le plus beau des pays. Décisions audacieuses pour la protection de tous, sur les plans économique, financier, social… Puis, avec le temps, les comportements (a)normaux réapparurent, lentement, déboulant comme une deuxième vague. Cacophonie des uns, pusillanimité chez d’autres, et indélicatesses en cascade de ministres déjà épinglés ou qui le seront prochainement, d’anciens ministres bousculés et rattrapés, ou qui le seront immanquablement. La moralisation politique n’est plus en cours, mais à rebours.

2/ L’entreprise. Hormis les grandes, très grandes, qui ont contribué au Fonds Covid, beaucoup d’autres entreprises ont fraudé, déclarant une très hypothétique cessation d’activité, totale ou partielle. Ces très indélicats patrons ont donc triché avec la CNSS, qui gagnerait à éplucher leurs comptes. Et la CGEM au lieu de pousser des glapissements faussement indignés, serait mieux inspirée de froncer le sourcil… par exemple sur ces établissements scolaires privés (de morale), qui rançonnent et braconnent… ou ces cliniques tout aussi privées (d’éthique) qui déclarent l’arrêt de travail partiel alors que leurs patrons rivalisent avec Crésus… la moralisation de...

l’entreprise et de certaines professions libérales est un immense chantier qui démoraliserait même le grand Hercule !

3/ Le citoyen. Quelle joie et quel bonheur de retrouver nos gens brûler les feux et griller la politesse, foncer comme s’ils avaient le virus aux trousses, et retrouver leurs chers stationnements en double, triple, position, rédiger tranquillou des messages au volant, rouler sur la bande d’arrêt d’urgence et se jouer des files d’attente… Ne pas porter de masques mais toucher, palper, embrasser, enlacer leurs prochains… insulter copieusement sur les réseaux… la moralisation du public devient une urgence nationale !

4/ Les partis politiques. Avant, ils ne disaient rien ou bien n’importe quoi. Aujourd’hui, c’est pareil. Le PJD absout de sacrés pécheurs, le RNI se félicite encore et encore, l’Istiqlal reprend le discours d’antan sans jamais penser à se réinventer, le PAM intrigue (au lecteur de donner à ce verbe le sens qu’il entend), l’USFP râle (au lecteur, encore, de donner…), le PPS sermonne, et les autres, tous les autres, ânonnent. Toute moralisation de ces gens-là semble relever de l’impossible.

Nous avons vu en mars, avril et mai un Maroc infiniment beau, uni dans l’adversité, mobilisé dans l’efficacité, solidaire, égalitaire, repeint en rose. Nous avons espéré que cela se prolonge à l’après-Covid, mais aujourd’hui nous ne voyons que ce grand vide moral et éthique qui nous submerge, nous engloutit, nous pétrifie. Comment reprendre les activités et relancer la machine si nous revenons à nos égoïsmes d’antan, si nous ne profitons pas de cette expérience pour aller « plus vite, plus haut, plus fort » et plus honnêtement ? Comment semer ces petites graines qui, au fil du temps, grandiront et formeront ce grand arbre protecteur, les pieds plantés en Afrique et les yeux fureteurs vers le monde ?

Candeur, utopie, idéalisme ? Sans doute, au vu des comportements des uns et des autres. Nous sommes donc dans une phase de sortie d’épidémie, encore inachevée, mais avec la crise économique et sociale qui se profile, ce sont nos derniers espoirs d’un Maroc meilleur qui seront achevés. Sauf holà, sauf sursaut, qui viendrait du haut.

Aziz Boucetta