(Billet 365) - Les « indulgences » pas très catholiques du PJD

(Billet 365) - Les « indulgences » pas très catholiques du PJD

« Ta voix est l’occasion pour toi de lutter contre la corruption et l’absolutisme », claironnait triomphalement le PJD dans son slogan de campagne de 2011. Beaucoup l’avaient cru alors, et nombreux furent ceux qui l’ont encore cru cinq années plus tard, avant qu’une grande partie de ces gens qui ont imprudemment cru soit impudemment crucifiée par les turpitudes à répétition de hauts responsables de cette formation. Aujourd’hui, les preux et valeureux chevaliers de la faconde tombent les masques, en tordant le cou à toute morale politique.

Les différentes affaires de cœur, puis de corps, de certains personnages en vue avaient déjà commencé à fissurer la carapace de vertu, finalement autoproclamée, derrière laquelle se réfugiait le PJD… Les affaires des deux ministres Mustapha Ramid et Mohamed Amekraz sont d’une toute autre nature, car dévoilant la duplicité de ces deux responsables. MM. Ramid et Amekraz sont deux juristes notoires qui enfreignent la loi, les droits et les règles du travail dont ils sont précisément en charge au gouvernement… M. Amekraz réussissant même la prouesse de fauter avec le secteur dont il a la charge ministérielle, l’emploi, et de frauder avec l’organisme qu’il préside ès-qualité, la CNSS. M. Ramid, lui, a la componction d’un pape et la logique de Torquemada.

Puis ces deux ministres, soucieux, anxieux d’échapper au filet juridique qui les enserrait, ont tous deux commis chacun une autre faute, morale cette fois. M. Ramid a (forcément) couvert ou aidé la légalisation d’un document à sa décharge un jour non ouvré, et M. Amekraz a fait publier par son associé un communiqué déclarant tous les salariés en situation régulière, sans préciser l’ancienneté de cette régularité.

L’autre élément qui aggrave singulièrement les choses, et ira même certainement jusqu’à perturber les équilibres politiques du pays (nous y reviendrons), est l’incroyable attitude du PJD, exprimée à travers un communiqué qui sonne comme une bulle papale d’absolution. Il a réuni sa commission d’éthique (dont M. Ramid est le président, même s’il y a comparu en qualité de simple pécheur contrit), laquelle a longuement écouté les deux ministres, avant de les absoudre, la goge nouée d’émotion, d’ « erreurs » pour lesquels ils ont fait pénitence : le dédommagement généreux pour M. Ramid, et la rapidité de régularisation...

pour M. Amekraz. Le communiqué qui annonce cela marquera par écrit la forfaiture morale et la déshérence éthique du PJD.

Ce parti qui conduit le gouvernement (enfin, si on peut dire…), qui s’est classé premier aux deux dernière élections législatives, qui semble (semblait, désormais) bien parti pour les prochaines, si elles se tiennent… et bien ce parti agit dans l’esprit clanique le plus étroit, défend barbe au vent ses deux responsables pris en faute, tonne contre ceux qui, dans les médias, les réseaux sociaux et les chaumières, s’étonnent de l’acte des deux ministres et du parti pris d’un parti pris la main dans la turpitude. Et s’assoit sur les lois !

Mais aurait-il pu en être autrement ? Désavouer, voire demander le départ d’un Mustapha Ramid à l’ego monstrueux et d’un Mohamed Amekraz au parcours partisan sinueux aurait singulièrement fragilisé le chef du gouvernement et du parti Saâdeddine Elotmani, déjà rudement cabossé par la situation sanitaire du pays. Mostafa Ramid est le ténor qui a réussi à retourner le congrès de décembre 17 contre un 3ème mandat d’Abdelilah Benkirane à la tête du parti, et Mohamed Amekraz est le ci-devant patron de la Jeunesse du PJD et grand fan du même M. Benkirane. Maltraité au gouvernement par ses pairs, chahuté dans l’opinion publique pour ses impairs, M. Elotmani ne peut prendre le risque d’être culbuté au sein même de son parti par ses frères. Il y va du clan, (au) nom de Dieu !

En distribuant aussi généreusement ses « indulgences », le haut clergé du PJD absout ses fidèles et incontournables frères avec l’arrogance d’un cardinal, semblant dire au public de se mêler de ses affaires, mais lui signifiant clairement le très peu de cas qu’il fait du droit et de la morale, pourvu que les fonctions soient conservées et les dirigeants préservés. Et au diable, à Satan la loi, l’esprit des lois, l’éthique et la morale ! Ce sont des choses qui ne s’appliquent qu’à la plèbe et qui ne servent qu’en période électorale.

Dans l’attente, il ne fera pas honneur au royaume d’être représenté par de tels personnages dans les aréopages mondiaux des droits de l’Homme et aux rencontres internationales sur le droit du travail.

Aziz Boucetta