(Billet 297) – Où est le ministre de la Santé ?

(Billet 297) – Où est le ministre de la Santé ?

Depuis que le Maroc est confronté à la menace de la pandémie du Covid-19, tout le monde est à la manœuvre sauf semble-t-il… le ministre de la Santé ! Le ministère, lui, fonctionne à plein régime, les personnels soignants, médicaux et paramédicaux, sont à l’œuvre, les épidémiologistes enquêtent et analysent, le secteur privé se met en ordre de bataille. Mais M. Khalid Aït Taleb, professeur de médecine de son état, est porté disparu…

Dans une vie antérieure, le ministre de la Santé fut, dit-on, l’excellent patron du CHU de Fès, et c’est sans doute pour cela qu’il a été choisi comme ministre technocrate d’un ministère qui ne le fut pourtant jamais. A son arrivée, il a eu le temps de s’enquérir de l’état de son département, de prendre des décisions d’ordre administratif, de réorganiser ce qu’il y avait lieu d’être, de limoger le directeur de la Direction des médicaments… De faire son job de ministre par temps de paix, quoi…

Mais là, pour reprendre la juste expression du président français, « nous sommes en guerre ». Oui, au Maroc aussi, nous sommes en guerre sanitaire car la population est confinée, l’armée même désarmée est dans les rues, l’entreprise fonctionne péniblement et l’administration travaille partiellement et la solidarité nationale tourne à plein régime…

Population et Etat sont au diapason, mais la première a besoin d’informations prodiguées par le second. Le ministre de la Santé, même médecin, n’est pas là en qualité de médecin, mais de politique, de gestionnaire, de communicateur. Il doit s’exprimer, expliquer, décortiquer, entretenir la confiance des ménages et surtout atténuer leur défiance en bandoulière. Il doit fournir des chiffres et des statistiques, répondre aux questions et aux questionnements, être présent sur tous les fronts, comme il l’a fait au départ, avant de s’éclipser.

M. Aït Taleb est furtif depuis plusieurs jours, et personne ne semble savoir pourquoi… Et bien évidemment, quand l’information vient à manquer, la rumeur prend le dessus. On dit qu’il est en délicatesse avec ses directeurs, on dit qu’il est contesté, on a même dit qu’il est infecté. Non, il a eu un décès...

dans la famille, ce qui est vrai mais un peu court aussi pour l’extraire durablement de son bureau.

Les gens angoissent, s’énervent et s’interrogent, veulent savoir où en est la situation sanitaire et logistique du royaume. Quel est l’état de nos stocks en masques, respirateurs, lits médicalisés ? Avons-nous envoyé un avion quérir du matériel, et si oui, quoi, où, quand, comment, pour quel coût (question facultative) ? Pourquoi changer les responsables en charge de la communication ? Pourquoi le ministre a-t-il disparu ? Combien de tests de dépistage sont-ils pratiqués, et quelles sont les perspectives d’augmentation de ces tests, sachant que le patron de l’OMS ne cesse de dire « test, test, test ! » ? Quels sont les détails des cas de contamination, par âge, sexe, ville, voire quartier ? Les agents de la force publique et les personnels de santé sont-ils suffisamment protégés ?

Les Marocains se sont montrés admirables, de discipline et de conscience, en solidarité et altruisme, admiratifs de leurs personnels soignants et de leurs forces de l’ordre, confiants dans leurs institutions… ils voient le roi à la manœuvre, les ministres à l’œuvre, les banques et les grandes fortunes à la tâche, la société civile aux créneaux… mais cela ne saurait durer s’ils sentent, pressentent ou ressentent une rétention d’information. Qu’y a-t-il de plus grave que de confiner une population ? Pourquoi ne pas l’informer, et poursuivre sur l’ « enthousiasme » initial ?

Si M. Aït Taleb est le ministre de la Santé, alors qu’il s’en vienne parler, expliquer, argumenter… si, à l’inverse, il a failli en quoi que ce soit, alors qu’il s’en aille, et qu’on le remplace par quelqu’un d’autre de plus présent. En situation de guerre, il arrive qu’on confie des armées entières à des sergents, si les généraux du temps de paix sont inefficaces quand les armes tonnent. Pour une crise sanitaire, il en va de même…

Les Marocains ont été remarquables chez eux et remarqués ailleurs. Ils méritent plus de considération, pour eux et pour leur intelligence. Ne tuons pas ce bel élan de communion nationale !

Aziz Boucetta