« Ville & cohésion sociale » la CDG organise une radioscopie sur les enjeux
Avec le nombre croissant d'habitants dans les zones urbaines, la diversité culturelle et l'hétérogénéité ethnique des populations urbaines se développent un enjeu de taille, la question de la cohésion sociale.
Face à ce phénomène, qui a fini d’être aujourd’hui une question centrale pour le développement, l’Institut CDG pour la Recherche a organisé aujourd’hui 13 janvier une conférence-débat sous le thème : « Ville & cohésion sociale »
« Le bien-être des citoyens n’est assuré que quand ils peuvent évoluer dans un environnement urbain porteur des valeurs et des conditions de mixité sociale, de solidarité, de sécurité et d’épanouissement, autant d’aspects déterminants pour la création d’une ville inclusive. » explique la CDG. Ces différents aspects sont d’une importance cruciale pour les villes marocaines, qui ne sont souvent que le résultat d’un ensemble de zones résidentielles conçues en dehors d’une vision intégrée. Or, pour être durable, la ville doit réussir à réduire les fragmentations et les ségrégations urbaines. Ceci est possible à travers la bonne répartition des équipements collectifs, des espaces publics, des zones vertes et des repères identitaires sur l’ensemble des quartiers de la ville, donnant ainsi le sentiment de dignité et du droit à la ville à l’ensemble des citoyens.
Animée par Adriana Daconu, Maîtresse de conférences à l’Institut d'Urbanisme et de Géographie Alpine de Grenoble, Dr. Jean-Baptiste Marie, Directeur de programme Plateforme d'Observation des Projets et Stratégies Urbaines (Popsu), Aziz El Maoula EL Iraki, Enseignant chercheur à l’Institut National d’Aménagement et d’Urbanisme et le l’anthropologue, Morad Riffi, Chef de la division Coopération au Ministère de la culture, de la jeunesse et des sports. La conférence a porté sur un double regard marocain et français sur la question de la cohésion sociale.
Dans un dialectique simple, la cohésion sociale peut être définie comme l’ensemble des processus qui contribuent à assurer à tous les individus ou groupes d’individus l’égalité des chances et des conditions, l’accès effectif aux droits fondamentaux et au bien-être économique, social et culturel, afin de permettre à chacun de participer activement à la société et d’y être reconnu. Elle vise un équilibre entre les individus et une diminution des inégalités sans nier les besoins spécifiques de chacun. Elle fait référence à une société solidaire et coresponsable où il fait bon de vivre ensemble et où il y a un partage des valeurs et des règles de vie.
Pourtant la cohésion sociale se concentre le plus au niveau des villes qui sont maintenant des attractions et des creusets pour les personnes ayant des origines culturelles, des religions, des intérêts et un statut social différents. Ainsi, ces agglomérations urbaines deviennent donc non seulement de plus en plus grandes, mais aussi plus diversifiées. Le facteur de l’immigration sur l'influence davantage la diversité ethnique sur le tissu urbain global. À mesure que la population augmente, non seulement l'hétérogénéité des résidents s'accroît, mais aussi l'inégalité socio-économique et la séparation spatiale des groupes sociaux. Aujourd'hui, plus des deux tiers de la population urbaine mondiale vivent dans des villes où les écarts de revenus se sont considérablement creusés au cours des 30
dernières années.
Prenant un exemple de la fresque de l’Italien Ambrogio Lorenzetti datant du 13èm siècle, Dr. Jean-Baptiste Marie illustre l’image de Sienne en 1337/1338 une ville en harmonie où tout pousse, chacun vaque à ses occupations et sur la diachronique, on voit tout un peuple avec des activités différentes très occupé et à la clé un aperçoit un développement harmonieux pour tous. Parallèlement une autre image montre une autre ville où il y a absence de cohésion sociale, les pillages, les violences font ravage et au finish le chaos est installé. Pour M. Marie, « cette allégorie démontre que la question des fragilités dans les villes n’est pas une question nouvelle et aujourd’hui, on observe qu’elle est confronté à plusieurs enjeux et risques, notamment un séisme, un glissement de terrain, une inondation… ». Les risques peuvent aussi être d’ordre économique comme le démontre Ulrich Beck dans son ouvrage « Dans la société du risque !».
De son côté, l’enseignant chercheur Aziz El Maoula EL Iraki est revenu sur la question de la cohésion au Maroc dans sa dimension surtout politique. Deux grands phénomènes englobent la question : la « périphérisation » et de « l’étalement urbain », a déclaré M. EL Iraki. Pour « l’étalement urbain », il affirme qu’il y a une délocalisation industrielle qui est tributaire de la hausse du foncier. La conséquence est le développement non réglementaire qu’il qualifie d’habitat propulsé par e bas et qui n’obéit à aucune règle. Autre facteur, « l’étalement urbain », c’est le recasement des populations bidovilloises de la ville-centre.
Le morcellement et l’organisation est faite de « peau de léopard » compte tenu de l’éparpillement et l’absence de normes. Ainsi la question du vivre ensemble se pose. Ce conglomérat d’habitat soulève une création fondamentale qui est de « l’identité métropolitaine ».
Quid de la gestion des zones métropolitaine ? à ce niveau M. EL Iraki révèle qu’il n’existe au Maroc aucun document qui spécifie une politique sur les gestions métropolitaines.
Un urbanisme innovant au lieu de solutions conventionnelles
Au Maroc, les villes et les municipalités sont confrontées à la tâche principale de lutter de manière adéquate contre la diversité croissante et contre les inégalités. Les deux défis sont souvent étroitement liés. Une approche holistique est donc essentielle pour maintenir et renforcer la cohésion sociale. Comment faire en sorte que tous les citadins puissent participer et profiter de la vie urbaine? Que faut-il faire pour créer un sentiment de communauté et d'appartenance, afin que les résidents de différentes origines sociales et ethniques puissent entrer en contact les uns avec les autres? Comment lutter contre l'exclusion sociale et spatiale?
Les mesures conventionnelles sont souvent utilisées pour trouver des solutions à ces défis; maîtrise de l’exode rurale, une politique d'immigration plus organisée et une réforme de la réglementation du marché du travail. Étant donné que la plupart de ces politiques doivent être mises en œuvre dans un contexte urbain, le rôle de l'urbanisme dans la cohésion sociale ne doit pas être sous-estimé. Les urbanistes ne peuvent pas éliminer complètement les causes des problèmes sociaux et économiques. Mais ils peuvent au moins améliorer l'imbrication des structures urbaines et aménager des espaces publics d'échanges sociaux.
Mouhamet Ndiongue