(Billet 239) – On ne demande plus un visa, on le quémande !

Vous voulez vous rendre en Europe, dans un pays Schengen, Belgique, Espagne, France… ? Et bien vous devrez surtout vous rendre à l’évidence : vous êtes suspects de vouloir émigrer clandestinement, et la charge de la preuve du contraire vous incombe. Ces gens-là font des affaires juteuses au Maroc mais se comportent de manière piteuse envers les Marocains. Pourquoi ne le feraient-ils pas au demeurant puisque chez nous, CNDP, parlement et ministère des Affaires étrangères, c’est courage, fuyons !

Les consulats des pays concernés ne veulent plus de ces longues files d’autochtones devant leurs grilles, alors ils ont sous-traité l’affaire à une société privée, TLS pour ceux qui l’ignoreraient encore. Délais pour prendre un rendez-vous qui s’allongent et délais de traitement des dossiers qui s’affolent… A défaut de nous conférer des armes pour nous défendre, notre ministère des AE ne nous laisse plus que nos larmes pour nous détendre.

Etudiants qui ratent leur entrée universitaire, ou malades qui voient leur mort prochaine… parents privés de visites pour leurs enfants auxquels ils envoient pourtant des fortunes… M. Bourita, tout fier de ses nouveaux consulats à Laâyoune et bombant le torse avec force quand quelque menue affaire se corse, regarde ailleurs. Il est ministre de l’extérieur, et donc ne s’occupe ni ne se préoccupe de ce qui se passe à l’intérieur.

Avec le temps, le visa est devenu synonyme d’humiliation individuelle et de consternation collective pour les Marocains… que vous soyez médecin ou électricien, dresseur ou professeur, universitaire ou prolétaire, le traitement est le même : vous attendez dans une ambiance tendue car vous êtes coupable de votre nationalité ! On ne vous veut plus dans les consulats, on change les règles comme et quand on veut, et on vous confie à une société privée qui ne se prive pas de collecter vos données et qui vous dit clairement, crûment et éhontément que « nous pouvons transmettre vos...

données à caractère personnel à nos prestataires de service indépendants, sous-traitants et autres organisations associées pour exécuter des tâches et vous offrir des services pour notre compte » !! Iwa ? La CNDP a « conscience de cela », mais veut user de diplomatie, le diplomate en chef Nasser Bourita est occupé avec ses consulats et le chef du gouvernement répète à l’envi que tout va bien, même pour rien.

Et pourtant, les deux derniers devraient lire et relire cette phrase de l’UE : la Commission européenne a « l’intention de récompenser les pays qui collaborent à la réadmission des migrants clandestins et à d’autres domaines similaires, en facilitant les procédures de visa ». Si vous ne savez pas encore comment un pays comme le Maroc perd sa dignité, en voilà un exemple concret et pour tout dire, infâme. Lorsque la France justifie par la bouche de M. Le Drian les retards dans les procédures de visa, en ricanant que son pays est « victime de son succès » vu le nombre de demandes, on lui rappelle que le délai de rendez-vous à Shanghai est de 24 heures et que le visa est accordé, ou non, en 5 jours… Plusieurs mois à Casablanca, Alger… Mais la Chine, ce n’est ni Constantine ni Kasserine, et encore moins Taliouine.

Alors la France réagit… une Commission parlementaire lance une mission de parlementaires qui viendront, verront mais ne convaincront pas ! L’UE a déjà décidé de « récompenser » les bons élèves et cette mission française est d’abord destinée à soulager les « graves difficultés » des Français ayant de la famille à l’étranger et à mieux accueillir ceux qui veulent investir en France. Pour les autres, les nôtres, c’est tendre l’autre joue et attendre des jours meilleurs…

Faut-il en vouloir à la France ? Non, elle défend ses concitoyens. Faut-il alors en vouloir au gouvernement marocain et au ministère des AE ? Non plus, car au mieux ils s’en moquent, au pire, ils se moquent de nous.

Aziz Boucetta