(Billet 238) – Commission d’enquête parlementaire sur les banques… lol !

(Billet 238) – Commission d’enquête parlementaire sur les banques… lol !

Une banque est, globalement et pour faire court, une entreprise privée qui a un rôle de service public. Une banque collecte l’argent de ceux qui en ont momentanément en trop, pour le prêter à ceux qui en ont momentanément en moins ; ainsi va le monde capitaliste dans lequel le Maroc baigne avec volupté depuis des dizaines d’années, dans une admirable asymétrie entre les banques et ceux qui banquent.

Sauf que la volupté n’est pas toujours là… tout au plus pour quelques-uns, car les banques sont assez rétives à prendre des risques, allant jusqu’à qualifier les garanties apportées de sûretés et les clients de risques (bon ou mauvais, selon le cas, le profil et le coupe-fil…). C’est dire qu’aller solliciter, voire quémander, un crédit chez une banque n’est jamais un chemin pavé de roses et le sourire du banquier ne rencontrera jamais que le soupir du prétendant élégamment éconduit. « Le comité a refusé », sera l’éternelle réponse, le sacro-saint comité de crédit, anonyme et souverain, « la comité » en VO…

Des chiffres… deux douzaines de banques se sont (inégalement) partagées 14 milliards de DH de bénéfices engrangés en 2018, en augmentation de 4,4% par rapport à 2017, et pour le 1er trimestre 2019, les marges ont cru de 6% en comparaison à 2018. En face ce sont 8.000 entreprises qui ont fermé leurs portes en 2018, et 4.000 pour le seul 1er trimestre 2019. En gros, pour les uns, la méchante crise, pour d’autres, la cerise et l’éternelle bonne surprise.

Le désamour entre populations laborieuses et banques impérieuses n’est pas l’apanage du Maroc. Dans le monde entier, on envie les banques et les banquiers. En 2008, lors de la crise financière, les Etats qui se déclaraient exsangues ont...

pourtant sauvé les banques, les inondant de bel argent frais. C’était à l’image du sauvetage de Notre-Dame, avec l’Etat dans le rôle du pompier déversant des flots d'argent... Il faut dire que si les banques éternuent, l’économie se prend une méchante pneumonie, et si les banques s’effondrent, les sociétés crouleront sous leurs décombres. Alors, les fonds privés des banques ont été sauvés avec l’argent public de l’Etat… Souriez, citoyens, vous êtes frimés !

Au Maroc, en octobre 2019, le roi avait dit ceci : « Certaines catégories de la population, qui considèrent (le secteur bancaire) comme un organisme ne recherchant qu’un profit immédiat et sans risque, en ont une perception négative. Cette représentation est justifiée par des faits… »… Comprenant vite et bien, les organismes banquiers se sont attelés à la tâche de distribuer un peu plus d’argent aux gens…

Aujourd’hui, le parlement s’empare de la question, et crée une commission d’enquête. Pourquoi faire au juste ? Pour occuper nos désœuvrés élus, sans doute… Attendons-nous au tumulte et au vacarme, aux trémolos et aux larmes, mais malgré les discours et les recours, le parlement et les emportements, rien ne changera, rien ne filtrera, rien n’y fera. Comme don Quichotte se fracassant contre les moulins, les élus connaîtront le même sort contre les banques et leurs grands malins.

Ainsi est fait le capitalisme triomphant : l’Etat est malléable, le citoyen demandeur est et restera corvéable, mais la banque demeurera incontournable… car on n’a pas trouvé mieux depuis deux siècles d’intenses cogitations. Et même la plus belle commission du meilleur modèle du plus remarquable développement n’y pourra rien… De l’entre-soi aux cravates en soie, les banquiers vaincront toujours, ici et ailleurs, car comme l’Etat, la banque est un mal nécessaire !

Aziz Boucetta