(Billet 221) – Le monde en tourmente, le Maroc en salle d’attente…

(Billet 221) – Le monde en tourmente, le Maroc en salle d’attente…

Le monde est-il dans la tourmente ? C’est la question posée d’entrée de jeu aux « Atlantic Dialogues » du Policy Center of the New South, qui se tiennent à Marrakech. La réponse est oui. Le Maroc est-il aussi dans la tourmente ? Non. Peut-il l’être ? Incontestablement oui, car les raisons des colères populaires de par le monde se manifestent aussi de Tanger à Lagouira.

En effet, les peuples de la planète bleue sont verts de rage ou rouges de colère contre le libéralisme forcené, contre l’élitisme débridé, contre les inégalités qui prospèrent et qui ouvrent la voie à un populisme déclaré ou masqué. De nouvelles forces émergent et mobilisent, pendant que les anciennes s’atomisent.

Ici et là, les contestations se tendent, s’étendent, et prennent diverses formes en fonction des pays et de leur degré d’avancement démocratique. Même l’ordre libéral mondial mené par l’Occident se fissure, et par moments s’effondre, et même l’ONU s’inquiète de cette « révolution mondiale » en marche. Plusieurs catégories de contestation se dégagent…

1/ Les pays en pleine tourmente, leurs peuples dans les rues. En Algérie, à Hong Kong, au Pérou, au Liban... Dans ces pays, on a atteint les limites de la patience et l’impatience surgit. Les régimes essaient de résister, mais ils ne font que gagner du temps. Ils perdront, s’inclineront et s’effondreront, car les peuples gagnent toujours, tôt ou tard.

2/ Les Etats démocratiques, avec des institutions affaiblies. En Allemagne, au Royaume-Uni et dans une moindre mesure en France, les gouvernements en place sont certes régulièrement élus, indiscutablement légitimes, mais déstabilisés soit par un système politique essoufflé (Allemagne), soit par une fracture sociale béante (France), soit par l’Histoire qui les rattrape et l’avenir qui leur échappe (Royaume-Uni). Dans tous ces cas, on trouve les populismes et autres extrémismes en embuscade.

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Les nations qui ne sont pas vraiment dans la tourmente populaire, mais qui sont dans l’impasse institutionnelle. Ce sont les Etats démocratiques du Nord, dont les institutions tiennent, tout en étant fortement bousculées. En Israël, en Espagne, aucun parti ni camp ne peut former de gouvernement et les élections se succèdent, sans résultats tangibles ni perspectives de sortie de crise. De nouvelles forces politiques apparaissent, portées par les franges insatisfaites des populations, et bousculent les équilibres traditionnels.

4/ Les contrées qui absorbent la révolte populaire par l’arrivée des populistes. En Ukraine, aux Etats-Unis, aux Philippines ou encore au Brésil, des personnages de bande dessinée ont pris le pouvoir grâce à une vulgate facile qui séduit les esprits simples, les plus nombreux, qui ne croient plus en leurs institutions.

5/ Les systèmes autoritaires. Ce sont les nouveaux « grands » de ce monde, bousculant l’ordre mondial en s’en donnant les moyens, comme la Russie, la Chine, la Turquie, dont les systèmes économiques libéraux coexistent avec des figures et des institutions politiques de plus en plus autoritaires, clairement assumées et qui consument les velléités démocratiques.

Au Maroc, ce bon vieux et si cher Maroc, rien de tout cela, grâce à Allah… Mais la grogne est là. Il faut en convenir, puisque même le très officiel CESE évoque les nouvelles formes de contestation, et s’en alarme. La réponse apportée ? Un nouveau modèle de développement. Sauf que celui-ci tarde à voir le jour, peine à convaincre et pèche par manque de visibilité et de temps pour bien faire.

Dans le royaume, le silence règne et le gouvernement rame, malgré ses bonnes intentions. Il devient urgent, plus encore que nécessaire, de lancer des actions et non des anathèmes, de parler aux populations un langage vrai. Et concret.

Aziz Boucetta