(Billet 217) – Le Sultan et le Titan (2)

(Billet 217) – Le Sultan et le Titan (2)

Dans les sèches terres de la tribu de l’Aramaristan, le bon Sultan cultivait la paix et continuait de soigner son image en évitant de s’empoigner avec son voisinage. Mais en ces temps-là, la vie était rude et qui n’avançait pas sur la plaine était englouti par le marécage, une variante de l’expression moderne de « celui qui n’avance pas recule », et s’accule…

L’histoire des hommes a toujours été ainsi… Si on est dos à la mer et qu’on recule, on tombe, puis on se noie. Alors chacune des tribus de ces contrées œuvrait à se mettre sous la protection des Grands, et le Grand d’entre les Grands était à cette époque le grand royaume de Revolvain.

Cette nation, issue de rien, a séduit les autres tribus par sa richesse, et attira sur ses terres les bons et les vauriens, et aussi certains galériens échappés des bagnes des autres royaumes. Son chef, le Grand Titan, dont la seule production utile de la tête est sa chevelure blonde comme celle d’un Viking coquet, est réputé pour sa cruauté crue et sa simplicité de vue : quand il aime, il adore, et quand il hait, il abhorre et sème la mort. Méfiant et ignorant, méfiant car ignorant, il s’entoure d’un cercle de fidèles carrés, dont sa fille Blondika qui dissimule par le charme et la beauté ses lacunes et les borborygmes grondants de son père le Titan.

En cette période, les autres tribus, terrifiées et en plein émoi par le « et moi, et moi et moi » du Titan, guettaient ses faits et gestes, les voyages de sa fille et du reste. Là où Blondika posait ses chausses, des choses advenaient… Mais comme elle souriait beaucoup, elle ne pouvait pas parler, et souvent, un vassal de son père le Titan la suivait pour l’appuyer et l’approuver.

Et c’est ainsi que l’Aramaristan conclut une belle amitié avec le Titan, lui rappelant à grands coups de tambour que jadis, le Revolvain, quand il était asticoté, l’Aramaristan alors grand l’avait adopté. Le Titan grimaça, ce qui pour lui revenait à sourire, puis expédia en Aramaristan ses fidèles pour voir ce qu’il avait à y gagner et à en soutirer.

Blondika partit alors en Aramaristan, précédée par le beau Jarnus, son homme à tout faire et à tout plaire, mais surtout suivie par l’un des colosses du Titan, appelé Genpompeus car lointain descendant du général romain Pompée dont il tirait sa force brute et son allure abrupte. Titan l’utilisait pour impressionner car...

l’homme frappe avant les agapes, menace en imprimant sa trace et voue un culte véritable à l’inculte Titan. Celui-ci, en conflit larvé avec le chef défranc Macrostérix, l’envoie en Aramaristan assiégé par le royaume Défranc qui impose un tribut à toutes les tribus de la contrée.

En Aramaristan, Genpompeus vient, voit et n’a même pas besoin de vaincre. Sa seule présence au sein de la tribu Amaristan froisse les gens du royaume Défranc qui, ainsi boutés, subtilement bottés, douloureusement déboutés, lèvent leur siège et s’en vont assiéger ailleurs, plus au méridien. En Aramaristan, le descendant de Pompée rencontre les notables et le connétable… et en premier le guérisseur au sourire éternel qui prodigue sa médecine à la tribu pour qu’elle ne voie plus ni n’entende rien… il s’impose avec sa carrure de baobab devant Nestor le Bref, le petit missi dominici, ravi de se poser avec un si grand personnage… et Genpompeus rend visite aussi et enfin au prude et prudent chef de la Garde dont Genpompeus a grand besoin des hallebardes pour affronter l’ennemi commun, adorateur de totems et jeteur d’anathèmes. L’homme de Titan s’esbaudit, toute la tribu l’applaudit…

Le Bon Sultan qui se trouve au méridien, ne dit rien, observe tout cela de loin, mais sourit en coin. Pour contrer Défranc, il sourit au Révolvain sans lui avouer qu’il rit avec une autre grande tribu, nouvellement puissante et résolument envahissante, la tribu du Milieu qui doit son nom au fait qu’elle se trouve à mille lieues de tous mais au milieu de tout. Le Sultan est rassuré, car avec le Grand Révolvain et le Géant du Milieu, il pourra desserrer l’étreinte et se libérer de la contrainte du très agité Macrostérix, en butte avec ses jeunes, culbuté par ses « jaunes ».

Genpompeus ne s’attarde pas en Aramaristan et s’en va dans sa grande pirogue rejoindre d’autres tribus quémandant son aide et craignant son ire ; il laisse les gens de l’Aramaristan heureux, moins apeurés de signifier leur courroux au royaume Défranc et au très réfractaire Macrostérix. Celui-ci, fort marri, partit en catimini, jurant qu’on ne l’y reprendra plus. Las… Aramaristan et Revolvain ont décidé de faire case commune et y convier les tribus méridionales, menacées par le Grand Septentrion, dont le royaume Défranc est un digne élément.

Pour les gens de l’Aramaristan, la morale est qu’ « il est préférable de grandir avec Revolvain et se garantir avec Milieu que glander avec Défranc »

Aziz Boucetta

Toute ressemblance avec des faits ou des personnages réels n'est clairement pas le fruit du hasard