(Billet 215) – Classement PISA et déclassement du Maroc

(Billet 215) – Classement PISA et déclassement du Maroc

Ce qui est bien avec le Maroc officiel, c’est qu'il ne craint rien, pas même que le ciel lui tombe sur la tête ! Il n’a même pas peur du ridicule… Aussi, il va affronter les grands pays dans un domaine où il se sait pourtant poussif (pour rester courtois). Ainsi de ce classement PISA sur l’apprentissage des élèves, auquel le Maroc est allé hardiment, témérairement... Résultat prévisible : sur 79 pays participants, le Maroc conquiert triomphalement la 75ème place. Rien à faire, les dégâts dans l'enseignement sont aussi coriaces qu'une bactérie.

Ici et ailleurs, on le savait déjà, et dans la patiente attente de la mise en place d’un nouveau modèle de développement, notre enseignement reste inexplicablement et inacceptablement sous-développé. Déjà, voici quelques semaines, la Banque mondiale confirmait le propos de l’ancien ministre de l’Education Rachid Belmokhtar, selon lequel deux élèves sur trois ne maîtrisent ni la lecture ni l’écriture à leur sortie du primaire. Aujourd’hui, nous en avons la confirmation avec l’OCDE, dont le classement PISA fait intervenir la lecture, les mathématiques et les sciences. Et là encore, rien. L’ex-ministre, la Banque mondiale, l’OCDE, cela fait trois, cela fait trop.

Misérable consolation, nous sommes quand même meilleurs que le Liban, la République dominicaine, le Kosovo et les Philippines. Certes, mais le Liban, la République dominicaine, le Kosovo et les Philippines restent discrets et ne crient pas à qui veut les entendre qu’ils seront émergents, voire qu’ils le sont presque… Non, eux, ils se taisent. Et travaillent.

A la lecture de ces chiffres, qui placent le Maroc en piteuse position parmi la moitié des nations du globe, le ministère a déployé de fort louables efforts pour expliquer que nous avons de beaux restes… en matière de parité dans les résultats, et que nos jeunes, mêmes défavorisés, s’accrochent, et aussi que nous avons été cruellement pénalisés dans ce classement car nos jeunes de 15 ans sont dans les premières années du secondaire alors...

que dans les pays ayant eu les meilleurs classements, ces mêmes jeunes de 15 ans sont en fin de secondaire. Question : Pourquoi nos adolescents sont-ils en retard dans leurs cursus scolaires ? Le MEN ne répond pas.

Mais il faut rendre à César ce qui lui appartient, et ne pas lui imputer ce dont il se lave les mains… Le ministère de l’Education (entre autres) n’est guère responsable de ce fiasco, ou du moins pas seul. Ainsi, de 2000 à aujourd’hui, une bonne douzaine de ministres se sont succédés (3 USFP, 1 RNI, 1 PI, 1 PJD, 2 MP, 1 PAM, 1 PPS, 1 SAP), sans compter une brochette de secrétaires d’Etat aux qualifications douteuses… Au-dessus, de savantes commissions aux acronymes anonymes, que seuls les initiés connaissent et animent et qui entassent des rapports très intelligents, souvent intelligibles mais aux résultats rarement tangibles.

Puis il y a cet enseignement étranger qui sévit sur nos terres, une véritable petite ONU locale. Les Français, seigneurs des lieux, d’abord, puis les Américains, les Belges, les Italiens, les Espagnols, les Britanniques, et il y même eu des Saoudiens et des Turcs. Ce que voyant, les Marocains fortunés ou en quête d’une fortune facile et rapide s’y sont mis. Et voilà que des établissements d’enseignement privés fleurissent, puis prospèrent, en augmentant les notes et en comprimant leurs charges… Tout cela dans une cacophonie totale et un inégalitarisme encore plus flagrant.

Il y a des moments, dans la vie des nations, où il est important de se poser les vraies questions : Pourquoi et comment en est-on arrivés là ? Pourquoi et comment est né le secteur privé édulucratif ? Parviendra-t-on à mettre en place la stratégie 2030 avant 2030 ? Pourquoi cette pléthore de ministres ? Pourquoi MM. Louafa et Hassad sont-ils partis sitôt arrivés ? Pourquoi l’Etat, à titre public ou privé, et les privés, investissent-ils tant dans l’enseignement ?

De la bonne et sincère réponse à ces questions, une solution sera peut-être trouvée pour une jeunesse et un pays si éprouvés.

Aziz Boucetta