(Billet 213) – Les Pieds Nickelés déboulent à la CGEM

(Billet 213) – Les Pieds Nickelés déboulent à la CGEM

Le patronat n’est décidément plus ce qu’il ne fut même pas, à savoir le représentant de l’entreprise marocaine. Il a tout au plus essayé de l’être, mais le clanisme des uns, les egos des autres et les intérêts de tous en ont décidé autrement. Jusqu’à présent, l’affaire était plutôt bien maîtrisée, et tout le monde trouvait son compte dans un savant dosage entre les pouvoirs et les intrigues de couloir.

La CGEM a connu un passé et des présidents de poids. Depuis sa création en 1947, elle a connu, globalement, quatre grandes phases : celle où, avant 1969, elle fut l’une des survivances du Protectorat, puisque la corporation des entreprises marocaines, au Maroc, était dirigée par des Français qui parlaient aux Français. Puis, de 1969 à 1994, les Marocains sont arrivés et (restons élégants…) ont mis de l’ordre et de la logique très marocaine dans les secteurs économiques et leur équilibre au sein d’un patronat fort élitiste, engagé dans la « marocanisation ». De 1994 à 2006, années de transition dynastique, la CGEM s’est fortement politisée, se dressant au besoin face au gouvernement, puis s’est démocratisée, en élargissant sa base ; ce fut la période la plus prestigieuse du patronat . A partir de 2006 et jusqu’en 2018, une nouvelle génération arrive aux commandes de la Confédération, des jeunes quinquagénaires, aussi différents que fringants, tous ambitieux, brassant large leurs alliés et embrassant des idées résolument libérales.

Arrive 2018… Miriem Bensalah s’en va, silencieusement, et Salaheddine Mezouar s’en vient bruyamment. Et brièvement. Plutôt timide sous les « règnes » précédents, la politique politicienne fait alors et avec le nouveau chef son entrée souriante, quoique tonitruante, à la CGEM. Il y eut d’abord la création d’un groupe parlementaire (depuis 2015), puis l’élection d’un ancien chef de parti. Et dans cette confrontation entre pratique politique et logique économique, que pensez-vous qu’il arriva ? Ce fut l’éthique qui creva.

Mais, en ces temps nationaux aussi incertains que sismiques, le Bon Mezouar ne s’éternisa pas plus qu’il ne pérennisa son...

système. Il s’en alla doucement, un dimanche automnal, dans un silence sépulcral, rejoindre le néant, laissant désemparée la pratique politique qu’il favorisa. Personne ne le pleura, très peu firent son éloge, beaucoup crurent leur heure sonner dans une CGEM encore sonnée, et leur chance arriver au sein d’un patronat éprouvé. Et c’est alors qu’une pluie de pieds-nickelés déboula, brandissant des sentences ciselées main, du type, « nos valeurs », « une meilleure gouvernance », « promotion de la PME » ou encore « importance des territoires »…

Ce n’est pas qu’individuellement, ces candidats soient médiocres, c’est même tout le contraire. Mais leurs candidatures avec leurs doublures riment avec… imposture. Pourquoi ? Comment ? On ne vise pas comme cela une telle élection, pas plus qu’on n’improvise une campagne aussi simplement. Et là, ce qui devait arriver arriva : des candidatures d’hommes, parfois fantômes, sous forme de binômes qui se défont avant même d’avoir été faits, un candidat qui vient avec un ami qui renonce, et lui s’incruste, d’autres candidats improbables, inconnus du grand public et même des petits cercles, et encore d’autres, candidats à l’insu de leur plein gré, aucun de renom, tous ayant l’art du rebond… Petit oiseau deviendra grand, car aucun grand à l'horizon pour candidater… La CGEM est devenue un tremplin pour des ambitieux à temps plein ; cela promet de passionnants débats philosophiques…

On dit que des mains impuissantes et visibles animent et orientent tout cela, mais n’allons pas plus loin, ce n’est pas le palais. Alors qui ? Il faut chercher parmi les membres de la Fondation CGEM, cette chose qui tire les ficelles et attire les vocations, fait et défait les ambitions en tenant fermement les cordons de la bourse (avec ou sans majuscule). Une lutte sourde, où les partis rôdent, où certains chefs du RNI sont en maraude, semble se dérouler sous nos regards indifférents car sans grands candidats, il ne saurait y avoir de grandes attentes… peut-être seulement de grandes illusions, que nos pieds nickelés confirment.

Aziz Boucetta