(Billet 212) – En diplomatie aussi, mieux vaut s’adresser à Dieu qu’à ses saints

(Billet 212) – En diplomatie aussi, mieux vaut s’adresser à Dieu qu’à ses saints

Dans ce monde rugueux, véreux et désormais dangereux qui est le nôtre, soit on est grand, soit on est petit, et dans ce dernier cas, qui est le nôtre, il faut s’amarrer à un grand. C’est simple et basique… Et c’est d’autant plus vrai et plus recommandé si on traîne un problème de droit international traité à l’ONU. Le Maroc a semble-t-il décidé que son amarre serait la France. C’était vrai jusqu’à ces derniers temps… cela l’est moins aujourd’hui.

Dans l’ancien monde, celui d’avant 1989, deux blocs coexistaient et s’affrontaient : l’Est et l’Ouest. En ces temps-là, le Maroc jouait la carte occidentale, essentiellement France et Etats-Unis. Trente ans plus tard, l’URSS a disparu, les Etats-Unis ont basculé dans l’unilatéralisme, aujourd’hui twittamment revendiqué par l’agité de la Maison Blanche, et la France sourit « jaune », n’étant plus que l’ombre d’elle-même, essentiellement en Afrique et accessoirement ailleurs. Aujourd’hui, la polarisation s’exprime entre les Etats-Unis et leurs supplétifs d’une part, la Chine et ses alliés objectifs d’autre part.

Le Maroc, quant à lui, œuvre depuis près d’un demi-siècle maintenant à inscrire son « titre foncier » sur les registres de cet immense conservation foncière appelé ONU, mais nous en sommes toujours au stade de la réquisition de propriété, pour reprendre la nomenclature locale, avec la sempiternelle opposition du voisin irascible et ombrageux… Il faut donc un appui.

Or, depuis 45 ans, Américains et Français agissent en puissances intéressées et interactives, les uns et les autres soufflant alternativement le chaud et le froid pour maintenir cette région du monde, ô combien stratégique, sous leur dépendance. Aujourd’hui, il en...

va différemment avec la Chine, qu’au moins trois éléments rapprochent du Maroc : 1/ La position géographique du royaume, un facteur clé dans la « nouvelle route de la soie » chinoise, 2/ La question du Tibet qui rappelle de celle du Maroc au Sahara (les Chinois affirment que ce territoire leur appartient historiquement, comme le Maroc pour son Sahara) et, 3/ L’expérience commune et le souvenir partagé de l’humiliation occidentale de 1850 à 1950.

La proximité culturelle et géographique, la langue française et le tropisme de nos gouvernants et de nos riches (ce qui est pareil), de nos étudiants et de nos émigrants potentiels (toujours pareil), ne peuvent expliquer ni justifier un tel figement de notre diplomatie. Il semblerait que notre Nasser Bourita national l’ait (enfin) compris…

Pourquoi en effet persiter à nous arrimer à un esquif hexagonal submergé par les eaux et les autres, lui-même en quête du parapluie chinois ? Pourquoi maintenir notre ancrage français, alors même que nous sommes en concurrence en Afrique et que la France persiste à « manœuvrer » en Afrique du Nord ? Pourquoi le Maroc ne jouerait-il pas clairement et massivement la carte chinoise, en bâtissant de fortes relations avec Pékin, qui seront « historiques » dans 30 ou 40 ans ?  

Le Maroc a d’immenses atouts entre les mains, sa position géographique, sa politique africaine, son phosphate, clé de l’alimentation mondiale dans les décennies à venir... Il n’a qu’à appliquer les termes du discours royal de Riyad en 2016 et endosser la logique du « mieux vaut s’adresser au bon Dieu qu’à ses saints ». Nous nous en porterions mieux.

Aziz Boucetta