Mike Pompeo au Maroc, un redéploiement de la diplomatie marocaine ?

Mike Pompeo au Maroc, un redéploiement de la diplomatie marocaine ?

Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a annoncé sa prochaine visite au Maroc, le 5 décembre. Cette visite, peu coutumière pour un chef de la diplomatie américaine, sera d’autant plus suivie et remarquée, analysée et décortiquée, qu’elle interviendra quelques semaines après celle rendue par son homologue français à Rabat. Et il n’est pas fréquent qu’un secrétaire d’Etat, qui détient le plus haut rang dans le cabinet US, visite le Maroc…

Le 22 octobre, le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita était à Washington pour y co-présider avec M. Pompeo la 4ème session du Dialogue stratégique Maroc/Etats-Unis, où le rôle de Mohammed Vi dans la région nord-africaine avait été souligné, de même que la nature des relations entre les deux pays pour contrer l’entrisme de l’Iran en Afrique du Nord et en faveur de la sécurité dans la région. Cette rencontre avait précédé d’une semaine le vote de la résolution du Conseil de sécurité sur l’ONU, dont les Etats-Unis avaient été, comme toujours, les initiateurs.

On ne peut que constater un glissement de la diplomatie marocaine de Paris vers Washington… lentement mais, semble-t-il, sûrement.

La semaine dernière, en effet, le chef de la diplomatie française était dans nos murs, mais à l’abri des regards… Un simple aller-retour, pas de conférence de presse commune, 4ème ou 5ème sujet dans les JT du soir… Le Maroc a réservé de meilleurs accueils aux ministres français de ce rang ! Il est vrai qu’en septembre, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, Jean-Yves Le Drian n’avait pas trouvé le temps de rencontrer Nasser Bourita, contrairement à une coutume bien ancrée dans les relations bilatérales.

Mais en novembre, la fille et conseillère spéciale du président Donald Trump, Ivanka de son prénom, avait effectué une visite remarquée au Maroc. Reçue en grande pompe et ayant rencontré les hauts dirigeants du pays, Ivanka Trump, épouse Jared Kushner (lui aussi en...

visite au Maroc pendant Ramadan, et convié à la table du roi), avait fait un déplacement dans la Région Gharb pour y rencontrer des femmes soulaliyates.

Et la semaine dernière, le Maroc a confirmé l’achat de 36 hélicoptères Apache pour un montant de 4,25 milliards de dollars. Ces appareils contenant des équipements « confidentiels », le Maroc avait été « vendu » au Congrès américain comme un « allié majeur hors-OTAN) » et aussi un partenaire stratégique.

Alors que tout porte à croire que les relations Maroc-France, sur la longue durée, sont en net recul par rapport à ce qu’elles furent par le passé, cela rappelle le discours prononcé par le roi Mohammed VI a Ryad en avril 2016, et où il disait ceci : « Tout en restant attaché à la préservation de ses relations stratégiques, le Maroc n’en cherche pas moins (…) à diversifier ses partenariats, tant au niveau géopolitique qu’au plan économique (…). Le Maroc est libre dans ses décisions et ses choix et n’est la chasse gardée d’aucun pays ».

Plusieurs événements sont venus confirmer le coup de froid entre Paris et Rabat, comme cette attaque directe du ministre Mostafa Ramid sur le comportement de type Taliban de Paris à l’égard des femmes voilées, sans s’attirer de réplique de M. Bourita, ou encore cette sortie malheureuse, un peu hautaine, de M. Le Drian, en juin dernier, à Rabat, sur la question des visas. Puis la rencontre ratée de septembre… Et le fait qu’il semblerait, après la nomination de Chakib Benmoussa à la tête de la Commission spéciale de développement, que la fonction d’ambassadeur à Paris soit inoccupée…

Alors, assiste-t-on à un rééquilibrage des rapports de force au sein de la diplomatie marocaine, dans une sorte de tension avec Paris et d’extension avec Washington ? Il est évident que le ministère ne répondra pas à cette question, qui reste ouverte sur les jours, semaines et mois à venir…

Aziz Boucetta