(Billet 209) – Les droits des femmes entre l’omerta et les quotas…

(Billet 209) – Les droits des femmes entre l’omerta et les quotas…

On a beau dire et redire, on a beau faire et essayer de parfaire, rien n’y fait, la sensibilisation contre la violence faite aux femmes n’a pas d’effet. Les violences enregistrées contre les femmes ont réussi un joli bond de 12%, passant de 10.959 cas en 2017 à 12.233 en 2018, des chiffres certainement bien en-deçà de la réalité, en raison de cette omerta qui caractérise les comportements des nôtres et des autres. Mais si ce n’était que cela…

Si on examine les détails de ces chiffres, voilà ce que cela donne : 48,95% des violences dénoncées sont d’ordre psychologique, tandis que la violence socio-économique comptait pour 24,42% des cas, et « seulement » 15,7% de cas de violences physiques. En gros, les femmes sont d’abord tourmentées par le verbe, puis frappées à la poche, avant d’être frappées tout court. C’est mieux que si c’était pire !...

La mauvaise nouvelle est que seulement 7% des femmes violentées ont porté plainte contre leur agresseur, même si 28,2% se sont adressées à des proches ou des institutions spécialisées. Alors que faire ? Militer et continuer de cogner sur les cogneurs, inlassablement, indéfiniment… Mais est-ce suffisant ? Il faut croire que non car les cas de violences enregistrées augmentent d’année en année. Et se normalisent.

Un début de solution serait de constater quels sont les pays où la vie pour une femme est meilleure qu’ailleurs : Nouvelle-Zélande, Australie et Canada. Que font ces pays pour limiter la casse ? L’éducation sûre en amont, la loi dure en aval, et l’instruction mature entre les deux. Mais entendons-nous bien : « une vie meilleure » ne signifie pas « une vie sûre », mais seulement moins dangereuse, tant il est vrai que le sport favori des hommes est de cogner, par tous les moyens possibles.

Au Maroc, on le sait, l’éducation relève de la tradition, l’instruction est quasi inexistante et la loi n’est pas toujours de bon aloi. Culturellement, « corriger » sa femme lu même une femme est admis, au nom de la société, des enfants, de la famille, de tout et surtout de n’importe quoi. Certains vont même jusqu’à invoquer le Coran, sourate Nissae : « Les hommes ont autorité sur les femmes (…). Les femmes vertueuses sont obéissantes (à...

leurs maris). (…) Et quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d'elles dans leurs lits et frappez-les ». Le Coran est certes indiscutable, et on ne le discutera pas… mais on peut l’expliquer, l’adapter, le contextualiser… car les hommes, depuis longtemps, n’ont plus « autorité sur les femmes », et notre fameuse constitution est claire en son article 19 qui dispose que « L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental ». Sympa pour endormir les gosses…

Mais en réalité, l’équation est très simple : ou l’égalité est là, à tous points de vue et dans tous les domaines, et la violence reculera, ou elle n’est pas là, et les choses, mécaniquement, s’aggraveront. En termes plus clairs, quand les règles du mariage des mineures, de l’héritage, de la liberté sexuelle, du droit de disposer de son corps… seront revues et mises au diapason du droit universel, massivement et sincèrement, on pourra compter moins d’abattis, de bleus et d’ecchymoses sur les corps des femmes. Et aussi quand les médias, les écoles, les chansons, les films et les fqihs montreront que la femme est la parfaite égale des hommes…

Relisons cette belle phrase d’Olympe de Gouges dans sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791) : « HOMME, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ? Observe le créateur dans sa sagesse ; parcours la nature dans toute sa grandeur (…) et rends-toi à l’évidence quand je t’en offre les moyens ; cherche, fouille et distingue, si tu peux, les sexes dans l’administration de la nature. Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble harmonieux à ce chef-d’œuvre immortel. L’homme seul s’est fagoté un principe de cette exception (…). Il veut commander en despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles ».

Mais il appert qu’on soit encore loin de cette vertu… car l’omerta et les règles des quotas n’arrangent rien.

Aziz Boucetta