(Billet 207) – L’article 9 du PLF, ou comment faire du neuf avec du vieux !

(Billet 207) – L’article 9 du PLF, ou comment faire du neuf avec du vieux !

L’avantage avec les technocrates, c’est qu’ils savent y faire, mais l’inconvénient est qu’ils fonctionnent avec des œillères, avec parfois des mœurs cavalières, et souvent se moquent des contraintes parlementaires, comme vient de le démontrer Mohamed Benchaâboune, l’Ex de la Banque populaire. Ainsi de cet article 9 qui a fait couler autant d’encre que de salive, en plus de la sueur des créanciers de l’Etat. En gros, si l’Etat est condamné à payer quelque chose à quelqu’un… et bien il la paiera quand il le voudra, quand il le pourra. Inchallah, quoi…

Notre justice est malade et en convalescence, ce n’est pas un scoop… Nous lui souhaitons prompt rétablissement, si possible rapide. Mais toute la justice n’est pas souffrante, car les tribunaux administratifs fonctionnent plutôt bien, et rendent leurs jugements habituellement en toute équité. Or, le problème de la justice administrative est qu’elle implique l’Etat, et que l’Etat a les moyens d’être un mauvais payeur, avec la foi et la loi, se montrant ainsi comme un magouilleur sans foi ni loi.

L’Etat, chez nous, agit comme une personne ordinaire qui a des ennuis d’argent. Il fait tout pour encaisser, et encore plus pour ne rien décaisser. Quitte à tordre le cou à la séparation des pouvoirs, voire même à la notion de « pouvoirs ». Les juges décident que l’Etat est débiteur vis-à-vis de quelqu’un ? Cela les concerne, eux et le justiciable. Immédiate levée de boucliers des avocats, des magistrats, des rares députés qui ont encore une conscience, deux très exactement (MM. Chennaoui et Balafrej), et des ministres qui ont le sens du droit, un très précisément, M. Ramid.  Mais l’Etat n’en a cure, quitte à signer une grande forfaiture, et à piétiner...

l'article 126 de notre constitution passablement galvaudée.

Récapitulons… Un individu est en litige avec une administration, et il s’estime lésé. Il este en justice, qui le rétablit dans son bon droit. Ladite administration doit lui verser une somme d’argent, mais elle ne veut pas, ou elle ne peut pas, ou les deux. La première mouture, contestée, de cet article 9, renvoyait le citoyen malgré lui à l’ordonnateur de l’administration concernée qui paiera, s’il veut. Après tollé, la seconde version l’expédie chez un « comptable public », qui paiera… s’il peut. Dans l’une ou l’autre version, notre pauvre citoyen se trouvera face à un fonctionnaire, et dans les deux cas, il ne recevra rien, ou alors dans longtemps, ou alors quand il aura oublié… cela ne sent pas bon.

Inversement, amusez-vous à devoir quelque chose à l’Etat, fisc, commune, CNSS… Ils dégainent leur ATD (Avis à Tiers Détendeurs, ou blocage de compte bancaire) plus vite que leur ombre, vous réduisant à l’état de pauvre hère qui erre, qui s’enferre ou qui s’enfuit. Au final, et en peu de mots, si vous devez de l’argent à l’Etat, il vous le fera cracher à la cravache et se frottera les mains, mais si c’est l’Etat qui est votre débiteur, alors comme on dit en darija, il vous faudra « frotter vos poches ».

Ainsi, les technocrates, cette espèce humaine chouiya déshumanisée, ce sont des hommes (et femmes) à tout faire, pour plaire, qui usent de la notion d’équité avec modération et qui veulent convaincre qu’ils apportent du sang neuf, tout en maintenant les vieux réflexes. Des faucons de la technocratie et des faux-c*** de la démocratie. Mais un mal nécessaire, au vu de l’effroyable indigence de notre classe politique.

Aziz Boucetta