(Billet 198) – Diplomatie du che-main de fer dans un gant de velours

(Billet 198) – Diplomatie du che-main de fer dans un gant de velours

 Et ainsi donc, l’idée d’un chemin de fer reliant Marrakech à Agadir refait surface… La réflexion « sérieuse » sur cette ligne ferroviaire a été officiellement demandée par le chef de l’Etat dans son discours à l’occasion de l’anniversaire de la Marche Verte. Il était temps, car le rail au Maroc s’arrête à Marrakech, depuis le départ des Français en 1956, et l’année prochaine sera aussi celle du centenaire de l’arrivée du chemin de fer à Marrakech.

Il n’est jamais trop tard pour bien faire, dit la sagesse populaire… Mais qui fera ? Le Maroc avait conclu un accord avec les Chinois en 2016, lesquels Chinois de China Railway avaient visité le Maroc au moins deux fois pour les études de faisabilité de ce projet pharaonique. C’était en 2016… depuis, plus rien, officiellement du moins, sauf le silence assourdissant de l’ONCF.

La construction de la LGV Tanger-Casablanca avait été confiée en 2011 à des entreprises françaises et, murmure-t--on, cela avait été un « lot de consolation » pour la France de Nicolas Sarkozy qui n’avait pas pu vendre aux Marocains ses (très chers) avions Rafale. Or, on connaît la nature de la relation entre Paris et Rabat, une relation très forte malgré les hiatus et les coups de froid qui surviennent de temps en temps, de loin en loin, même si de moins en moins éloignés… Lors de la dernière assemblée générale de l’ONU, en effet, et contrairement à une habitude bien ancrée, Nasser Bourita n’avait pu rencontrer son homologue français Jean-Yves Le Drian qui, dans une attitude de « collégien », a eu pourtant des...

discussions avec le chef de la diplomatie algérienne, successeur d’Abdelkader Messahel...

Par ailleurs, dans son discours, le roi Mohammed VI évoque les relations intermaghrébines, affirmant que « nos partenaires, Européens en particulier, ont besoin d’un associé efficace ». « Avoir besoin » ne signifie pas pour autant « avoir envie » de voir un associé efficace, voire coriace, au besoin tenace, à leur flanc sud. Et à Riyad, en avril 2016, le chef de l’Etat marocain avait eu cette autre « petite phrase » : « Tout en restant attaché à la préservation de ses relations stratégiques, le Maroc n’en cherche pas moins, ces derniers mois, à diversifier ses partenariats, tant au niveau géopolitique qu’au plan économique ». Quelques semaines plus tard, il était en Chine, et quelques mois plus tard, les Chinois étaient dans nos murs pour causer TGV.

Ainsi, entre une diversification des partenariats économiques, un élargissement de la géopolitique marocaine et un appel à un véritable Maghreb politique et économique, on peut penser que le discours de Mohammed VI comporte quelques indications sur l’avenir proche du royaume.

Il serait donc intéressant de savoir quelle sera la nation qui aura en charge cet immense chantier du rail entre Marrakech et Agadir. L’ONCF ne se prononce pas, jamais, mais le chef et veritable concepteur de la diplomatie nationale qu’est Nasser Bourita doit avoir son idée sur la question, et la réponse. Si c’est la France, tout restera normal, et si c’est la Chine, cela devrait signifier que la diplomatie est tenue par une main de fer, dans un gant de velours. Après tout, Pékin aussi siège au Conseil de sécurité de l'ONU...

Aziz Boucetta