(Billet 195) – L’hymne à l’amour d'Amina Bouayach

(Billet 195) – L’hymne à l’amour d'Amina Bouayach

Le code pénal délimite les périmètres des libertés et définit les sanctions éventuelles aux transgressions, mais le code pénal ne doit pas être pénible. Il le devient lorsqu’il s’introduit dans les arcanes des vies et les alcôves abritant les envies consenties entre adultes avertis. Dans un Etat de droit, il existe des organismes dont le rôle est de faire évoluer des lois inadaptées ou inadaptables. Ainsi, au Maroc, du CNDH…

Le Maroc est un vieux, un très vieux pays… Cela comporte l’avantage de la fierté nationale (qui reste encore à construire, mais ceci est une autre affaire…), et cela emporte également certaines habitudes, coutumes, traditions, qui ne siéent pas forcément aux avancées humaines en matière de droits. Chez nous, il appartient au CNDH de faire évoluer le système social, ses codes et ses règles.

Du temps de Driss Yazami, on se souvient que plusieurs recommandations avaient été émises, qui allaient à l’encontre de la majorité. Il s’était fait copieusement huer et conspuer, mais il avait fait ce qu’on attendait de lui : donner régulièrement de grands coups de pied dans la fourmilière coutumière. Puis arrive Amina Bouayach qui, en plus d’être une militante aguerrie, est aussi une femme, forcément plus sensible aux questions de corps et de libertés individuelles.

« Son » CNDH vient d’émettre une série de recommandations, dont celle, claire et limpide, bonne et logique, simple et basique, de supprimer les articles ayant trait à la sexualité et à l’intimité. Le raisonnement est on ne peut plus élémentaire : deux adultes ont le droit de faire ce qu’ils veulent de leurs corps,...

pour peu qu’il y ait consentement mutuel, sans violence.

Le problème est, il faut le reconnaître, qu’une majorité de la population, attachée à la tradition et surtout à la religion telle qu’elle lui a été expliquée, reste opposée à cette libéralisation de l’amour, de la sexualité. Cette majorité est certes silencieuse, mais elle refuse toute remise en cause de l’ordre établi… ce qui ne signifie pas le moins du monde qu’elle s’opposerait avec force et vigueur à l’action de la minorité agissante.

Or, les défenseurs du statu quo (MM. Raïssouni, Ramid et Khalfi par exemple) soutiennent l’idée de protéger l’espace public, affirmant que chacun agit comme bon lui semble à l’abri des regards. Il suffit juste de leur rappeler qu’il n’existe pas un seul pays au monde qui permet des relations sexuelles, hétéros ou homos, adultérines ou non, dans la rue… On sait par ailleurs que dans notre société phallocrate, cela ne dérange pas grand-monde qu’un homme ait des relations hors mariage, la bizarrerie est qu’il ne faut pas qu’il en ait avec un homme ou une femme, car l’homosexualité est interdite et l’hétérosexualité prénuptiale aussi. Kafkaïen et surréaliste, absurde !

Soutenons donc Amina Bouayach, sans détour, dans son hymne à l’amour, et appréhendons la réaction de nos ministres velléitaires et de nos sinistres parlementaires. Triste en vérité est notre réalité… Après avoir mis plus de 60 ans à décider, dans la douleur, de la langue d’apprentissage dans nos écoles, on en est encore à discuter de la liberté d’aimer dans nos alcôves. C’est sans doute cela, l’exception marocaine !

Aziz Boucetta