(Billet 181) - Big bang chez les banques !

(Billet 181) - Big bang chez les banques !

Parfois, il est utile de dire les choses clairement… quand le roi délivre un discours officiel, c’est le chef de l’Etat qui s’exprime, et il le fait dans un langage choisi, avec un langage soutenu et un vocabulaire riche. Mais le sens reste le même, clair. En l’occurrence, on peut dire que le discours royal d’ouverture du parlement, vendredi dernier, fut une charge sévère contre les banques en particulier, et le secteur financier dans son ensemble.

Ce que peu de gens savent, que beaucoup subodorent et que personne n’a dit ou osé dire jusque-là, le roi Mohammed VI l’a très sereinement affirmé. Dénoncer tout haut ce que les banques font tout bas, à savoir renoncer à accorder le financement requis aux porteurs de projets, ne surtout pas prendre de risques inconsidérés, gagner vite et plus. Une phrase, en particulier, est à relever : « Certaines catégories de la population, qui considèrent [le secteur bancaire] comme un organisme ne recherchant qu’un profit immédiat et sans risque, en ont une perception négative. Cette représentation est justifiée par des faits… ».

Coup de tonnerre ou crise de nerfs… Telle devrait logiquement être la réaction du secteur bancaire après cela. Si le chef de l’Etat consacre très exactement 56% de son discours aux problèmes de financement des projets des jeunes privés, qu’il exhorte les banques à remplir leur office, sérieusement et loyalement, qu’il appelle la banque centrale à se réunir avec la confrérie bancaire, et qu’annonce qu’il suivra personnellement l’avancée des choses, c’est qu’il prend les choses très au sérieux.

Dans le royaume, les banques se planquent. Elles préfèrent plus que jamais ne prêter qu’aux riches, ou au moins à...

des gens qui disposent de garanties. De ce fait, elles sont sécurisées et les petits demandeurs de crédits pressurisés. D’où la perception négative dont parle le roi et qu’il justifie lui-même par le difficile accès aux crédits des jeunes et petits entrepreneurs.

Mohammed VI est la seule personne au Maroc à pouvoir faire ainsi tinter le son des cloches aux oreilles de nos Très Respectables Banquiers et nos Très Honorables Financiers. Il le fallait. L’argent est le nerf de la guerre et la compétition économique, interne ou internationale, est une guerre qu’on ne peut gagner qu’avec l’arme bancaire.

Et une fois n’est pas coutume, il semblerait que les populations des champs sont mieux loties et plus dorlotées par le financement bancaire que les gens des villes. Ces derniers se voient réclamer des garanties réelles qui, s’ils en disposaient, n’auraient pas besoin de quémander un crédit, dans les conditions matérielles, morales et mentales que l’on sait. Les agriculteurs, eux, se voient financer à tour de bras ; comme quoi, il est possible, et pas si ruineux, de faire confiance à des Marocains pas ou peu nantis.

Au Maroc, plus qu’ailleurs, cet ailleurs sur lequel nous fantasmons tous, les banques dont frileuses, pointilleuses, peu pertinentes mais à l’opulence insolente, avec 14 milliards de DH de bénéfices en 2018, contre 11 en 2017 ! C’est sans doute pour cela que, comme on le dit, les riches sont plus riches, les pauvres plus pauvres. Mais maintenant que le chef de l’Etat a dit les choses, le secteur financier va très certainement montrer qu’il sait aussi prendre des risques, car ne pas le faire, maintenant, serait LE véritable risque…

Aziz Boucetta