(Billet 176) – Jeunesse en rogne, jeunesse qui grogne

(Billet 176) – Jeunesse en rogne, jeunesse qui grogne

La jeunesse est une richesse, mais ici, aujourd’hui, nous en avons fait ce péril qui menace la société marocaine... Partout, sur tout, contre tous, on entend les jeunes fulminer, protester… Dans les stades, dans les universités, dans les partis, dans la rue… Une rencontre de ces mécontentements et la crise sera là, bien plus forte qu’elle ne l’est aujourd’hui, bien moins maîtrisable qu’elle ne paraît actuellement.

Au sein des associations de fans de clubs de foot, les jeunes versent dans la contestation collective. Entre les Ultras du Raja et les supporters de Tanger, il est impressionnant de voir et d’entendre ces dizaines de milliers de gosiers qui hurlent leur désarroi, évacuent leur colère et expriment leurs maux pressants avec des mots puissants. Et oppressants.

Les partis politiques ont été rudement malmenés ces dernières semaines par leurs jeunes qui n’adhèrent plus à leurs jeux politiques, à leurs compromis, à leurs compromissions. Nabil Benabdallah et Mohand Laenser ont dû affronter l’énervement de leurs jeunes… ne devant leur salut que dans leur fuite, sous les huées. Idem pour la jeunesse du PJD que Saadeddine Elotmani a le plus grand mal à contenir, à défaut de tenir, et celle du RNI qui hausse le ton, et oui, même celle du RNI.

Plus tôt dans l’année 2019, les jeunes étudiants en médecine ont donné un grand coup de pied dans la fourmilière, basculant brutalement dans la contestation et bousculant rudement les institutions… Ils ont apporté la réplique aux jeunes enseignants contractuels, oppressés, qui se sentent délaissés.

Et puis, plus grave, plus dangereux, il existe cette catégorie de jeunes dont on ne parle pas, qu’on préfère ignorer… au risque qu’elle se rappelle à notre souvenir,...

un jour, à sa façon… Ce sont les jeunes gens nés clandestinement, non reconnus, méprisés par une société impitoyable qui les accable, malgré leur innocence. Ce sont ces jeunes qui ne parlent pas, qui rôdent, le regard en coin, sans idée autre que celle d’en vouloir à cette société qui les méprise et les ostracise. Et d’en découdre avec elle…

Et les autres, tous les autres, tous ceux qui le peuvent, et tous le veulent… partir, au risque de se blesser aux barreaux de ce Maroc qu’ils voient comme leur cage. Tourner le dos à la terre qui les a vus naître et à laquelle ils reprochent de les méconnaître, de les ignorer. Comme le dit Jean Cocteau, « la jeunesse sait ce qu'elle ne veut pas avant de savoir ce qu'elle veut ». La jeunesse en nos belles contrées veut son Maroc, pas ce Maroc… elle rejette tout, conteste tout, proteste et manifeste pour un rien et contre tout, mais semble n’intéresser personne de nos décideurs.

Pour l’heure, les niches de contestation sont isolées, en dépit de l’inquiétante convergence de fond de leurs revendications. Il serait utile de les écouter, salvateur de les satisfaire, prometteur de leur plaire… et c’est la raison pour laquelle le chef de l’Etat a multiplié ces dernières années les discours et les mesures à leur adresse et en leur faveur. Est-ce suffisant ? Non. Cela le sera quand une véritable politique de la Jeunesse sera pensée, conçue, programmée et mise en œuvre.

Le Maroc n’est pas le seul pays où jeunes et moins jeunes ne se comprennent pas, mais il appartient à ceux où les seconds n’apprennent pas des premiers. C’est inquiétant et dangereux.

Aziz Boucetta