(Billet 169) – Affaire Hajar : le Maroc raïssonné et rançonné

(Billet 169) – Affaire Hajar : le Maroc raïssonné et rançonné

Voilà le genre d’affaires dont seul le Maroc a le secret… Un cyclone dans un dé à coudre certes, mais un cyclone quand même. Une dame est interpellée, jugée, incarcérée avant même d’être pour le très grave motif d’avoir entretenu des relations intimes avec son fiancé (embastillé aussi), avant leurs épousailles officielles, et un personnel médical vivant le même sort. Une société qui s’énerve, des militants en verve, d’autres en déshérence et des médias internationaux en embuscade…

Qui est pour, qui est contre ? La grande question qui met le pays sens dessus dessous. Voilà, en vrac, l’état des lieux. Des intellectuel(le)s factuel(le)s qui prennent fait et cause pour la Cause des libertés, des militants intermittents et d’autres irréductibles qui lancent de sonores « j’accuse » contre l’Etat, des médias qui, selon leur bord, accablent Hajar et ses amis ou renversent la table pour Hajar et contre ses ennemis, 2M qui z3em et défend (presque) héroïquement les libertés individuelles, Amina Maelainine  qui prend sur elle, surprend les siens et réclame courageusement une avancée sur les libertés individuelles, une partie de la société civile qui condamne la concupiscence de Mme Raïssouni et l’autre partie qui juge la loi sans conscience mais avec véhémence… Et le Monde qui en fait sa Une (sur fond bleu RNI) et lui consacre un éditorial avec l’esprit des années 80…

Le Maroc est sonné. Les mal-pensants voient le mal absolu dans le sexe et certains bienpensants vont à l’étranger et prennent l’image du pays – qui n’en a vraiment pas besoin en ce moment – en otage, contre rançon, le prix à payer étant de tout lâcher, de tout permettre, de tout...

autoriser, au mépris du conservatisme certes ambiant mais respectable (si, bien évidemment, on respecte les avis des autres). Il est vrai que le royaume ne renvoie pas une image très moderne, mais c’est notre pays.

Que dit la classe politique ? A l’exception du PPS (qui n’a certes, pas grand-chose à perdre, mais tout à gagner), rien. Même pas n’importe quoi. Elle ne prend aucun risque, elle n’adopte aucune position, elle n’émet aucune idée, et elle se réfugie derrière l’excuse facile de « l’affaire est entre les mains de la justice », alors même que c’est la juridiction sur les libertés individuelles qui est en cause et non pas la justice.

Au final, Hajar Raïssouni sera certainement et bien malheureusement condamnée, avec ses codétenus et, ce faisant, ce ne seront pas les juges ses bourreaux, mais les autres… Les militants de tous bords qui hurlent à la mort mais oublient que la loi qu’ils pourfendent leur donne la possibilité de la changer, paisiblement… les médias qui l’ont accablée et les autres qui la défendent en se trompant d’adversaire, les politiques si peu éthiques, les féministes si poétiques mais trop peu juridiques.

L’article 490 du code pénal qui criminalise les relations sexuelles prémaritales doit être abrogé, car c’est le plus facile à pouvoir l’être. Les autres (adultère, homosexualité, avortement…) attendront une maturité des populations qui ne peut émaner que du développement social (qui tarde tant à être pensé…) du pays. Et tout cela passe par l’éducation, encore l’éducation, toujours l’éducation ! Dans l’attente, tout le monde est sonné, les uns par l’innocence bafouée de Mme Raïssouni (et ses codétenus), les autres par la concupiscence qu’ils lui prêtent…

Aziz Boucetta