L’enfant, de la naissance au préscolaire, priorité nationale de l’INDH

L’enfant, de la naissance au préscolaire, priorité nationale de l’INDH

Lorsque, en 2005, l’Initiative nationale pour le développement humain avait été lancée par le roi Mohammed VI, il s’agissait alors de lutter contre les inégalités, la précarité et la pauvreté. Près de 15 ans plus tard, c’est toujours le cas, sauf que les choses se sont affinées et les erreurs corrigées, ou en passe de l’être. Aujourd’hui, et à l’inverse de ce qui se faisait jusque-là, quand les décisions se faisaient verticalement, du haut vers le bas, les besoins remontent du local vers le central, et ces besoins, pour la phase actuelle de l’INDH, concernent essentiellement le préscolaire et la santé mère-enfant.

Le coordinateur national de l’INDH, l’ingénieur et ancien wali de Fès Mohamed Derdouri, est intarissable sur ces deux thèmes qui, il faut le dire, constituent des chantiers vierges où tout ou presque reste à faire.

La santé mère-enfant.

Les chiffres sont éloquents, voire terribles… sur 680.000 naissances (officielles) enregistrées au Maroc, on compte 15% de ces enfants qui affichent un retard de croissance au terme des premières années de vie. Ce taux est une moyenne, sachant que dans des régions comme Beni Mellal ou al Haouz, il culmine autour de 25%. A 6 ans, le cerveau est constitué à 80% et l’essentiel est donc fait, ou non.

Mais pourquoi l’INDH alors qu’il existe un ministère de l’Education nationale et un autre de la Santé publique ? La raison est simple : ces départements agissent là où il y a des besoins, en nombre. Ce qui reviendrait à dire en quelque sorte qu’au nom de la rationalisation budgétaire, le gouvernement fait bien plus de quantitatif que de qualitatif, qui revient, lourdement, à l’INDH.

Au Maroc, si la mortalité maternelle a baissé de près de 50% entre 2003 et 2010, et de 35% entre 2010 et 2016, elle s’établit toujours à 72,6 décès pour 100.000 naissances vivantes ; la mortalité néonatale, pour sa part, a diminué de 38% par rapport à 2011 et se situe actuellement à 13,58 décès pour 1.000 naissances vivantes (60% des enfants de moins de 5 ans meurent au cours des 28 premiers jours de leur vie). Enfin, le taux de la mortalité infanto-juvénile a diminué de 27% entre 2011 et 2018 (actuellement de 22,16 décès pour 1.000 naissances vivantes). Cela laisse quelques 11 à 12 enfants sur 1.000 qui décèdent dès les 28 premiers jours.

Les causes de ces décès sont essentiellement dues aux accouchements non surveillés, effectués à l’ancienne ; la mère accouche seule ou avec des membres féminins de sa famille, ce qui augmente les risques de trépas ou de malformation du nouveau-né. L’action à mener alors, et qui est l’objectif de l’INDH dans cette 3ème phase, est de pouvoir accéder à ces familles et de les sensibiliser à changer de comportements.

Le Maroc étant vaste, les équipes de Mohamed Derdouri ont ciblé trois régions essentielles où la santé mère-enfant pose problème : Marrakech, Errachidia et Beni Mellal, des régions montagneuses où de larges zones restent enclavées et inaccessibles. L’INDH fait alors appel à des associations professionnelles, dont les membres sont motivés. Leur tâche est de sensibiliser les populations quant à l’importance du suivi prénatal, d’un accouchement assisté, du rôle du père et de la mère, de l’allaitement le plus longtemps possible, et au changement de certaines habitudes alimentaires (comme le thé dans le biberon,...

si biberon il y a).

Une politique de proximité, une action sociale et pédagogique, avec des personnels engagés et conscients de l’importance de leur rôle, en direction de populations vivant encore dans leurs traditions mais demandeuses de progrès et de soins pour leurs enfants. Voilà le rôle de l’INDH, en sa phase III, en direction de la mère et de l’enfant.

Le préscolaire.

Une fois né et vivant, l’enfant doit être pris en charge, d’abord par ses parents, puis par des structures de préscolaire. Dans le rural, ce sont plus des deux tiers des enfants qui ne connaissent pas le préscolaire, qui permet la socialisation et l’éveil. Et le reste est admis dans des structures de préscolaire, qui ne sont pas toujours de la qualité requise. Or, mieux vaut pas de préscolaire qu’un préscolaire de mauvaise facture, qui engendre plus de problèmes qu’il n’en résout.

Ainsi, ce sont 10.000 unités nouvelles qui sont programmées pour les 5 années à venir, en plus de 5.000 réaménagées et 1.200 en milieu rural pour la seule année 2019. L’INDH s’appuie pour cela sur deux fondations, Zakoura et la fédération marocaine pour le préscolaire. Le wali Derdouri explique qu’à l’INDH, « nous encadrons et facilitons, mais nous laissons la main à ceux qui savent faire, en l’occurrence les fondations, que nous suivons et accompagnons dans leur action ».

Les éducateurs, dont le recrutement ira jusqu’à 20.000 personnes à terme, sont des personnes vivant dans les douars concernés ou dans leurs parages ; ils sont sélectionnés en fonction de leurs aptitudes et bénéficient de toutes les garanties légales de l’emploi. Ils sont formés sur une période d’environ 6 mois, et restent donc dans leur environnement d’origine. Cela a la double conséquence positive d’éviter l’absentéisme puisque ces formateurs restent chez eux, et aussi de créer une confiance avec les parents, qui les connaissent.

Pour le début de l’opération, les douars ciblés sont ceux où naissent le plus d’enfants, et qui peuvent faciliter l’affectation d’un local pour le préscolaire, un local qui deviendra un lieu de vie dans ces douars. Les enfants admis dans ces unités bénéficieront alors d’un numéro Massar (programme du ministère pour le suivi personnalisé des jeunes), qui les accompagnera tout au long de leur scolarité.

Les formateurs sont recrutés par les fondations dans le cadre du code du travail ou encore à travers une formule d’auto-entreprenariat, avec un montant de 50.000 DH/an facturés en prestations.

L’avantage de la généralisation du préscolaire est immédiat, par la prise en charge de ces très jeunes enfants, mais l’avantage à moyen terme est de favoriser l’insertion dans les cycles scolaires suivants où les enfants, déjà socialisés et en éveil, devraient obtenir de meilleurs résultats. Au final, c’est le capital humain entier qui sera revalorisé, avec des politiques intermédiaires comme la « traque » des collèges ou lycées qui présentent le plus de défaillances ou de déperditions scolaires pour remédier aux tares relevées.

 

Le 19 septembre se tiendront à Skhirat les 1ères Assises du Développement humain, avec pour thème « Développer la petite enfance, un engagement envers l’avenir ». Cela sera l’occasion d’exposer les idées, de confronter les arguments des uns et des autres pour assurer le succès de ce programme de prise en charge de la petite enfance, de la naissance jusqu’à l’école, un programme érigé en priorité nationale.

Aziz Boucetta