(Billet 158) – Des partis hagards face à Hajar

(Billet 158) – Des partis hagards face à Hajar

L’affaire Hajar Raïssouni aura encore montré, si besoin est, l’inanité, la vacuité et la profonde et définitive inutilité des partis politiques dans ce royaume qui en regorge. Une jeune femme et son fiancé sont en prison pour « débauche » et avortement illégal, et une brochette de personnels soignants les y ont accompagnés pour complicité ; la société est divisée entre les modernistes innovateurs et les puristes conservateurs. Les partis politiques, eux, restent cois et observateurs.

Habitués à faire la claque à chaque discours royal, ils ne semblent pas en comprendre le sens, mais ils applaudissent quand même. Ils sont supposés encadrer la population, la mobiliser, l’accompagner dans ses choix… Las. On attendra. Pas un mot sur l’affaire Hajar, pas une idée sur les libertés publiques, pas une demi-suggestion sur les libertés privées, pas une proposition pour sortir de la crise, pas une déclaration à ciel ouvert, même pas une bafouille. Rien. Les partis sont aussi vides que leurs ambitions sont épaisses.

On aurait aimé entendre le PJD asséner ses vérités moralisatrices et si faussement pudibondes. On aurait souhaité écouter les grandes envolées arabo-lyriques de l’Istiqlal. On aurait été curieux de savoir ce que pense de tout cela le PAM, ce parti autoproclamé de la modernité, mais malheureusement aujourd’hui en pleine auto-adversité. On aurait été enchanté de savoir la position de cette autre formation supposément moderne qu’est le RNI… et les autres, qui ne disent rien et même pas n’importe quoi, la moribonde USFP, la rachitique UC, l’insignifiant MP… Walou.

Et pourtant, un leader politique est un personnage qui ose (ou devrait oser) aller à contresens et prendre le contrepied de la société quand c’est nécessaire. Et aujourd’hui, ça...

l’est. Et pourtant encore, tous ces partis disposent de structures dites « de la femme » et des « jeunes ». Istiqlal, PJD, RNI, USFP ont des femmes et des jeunes, et il est étrange de n’entendre que le silence assourdissant de ces dames, jeunes ou pas, face au malheur qui frappe une de leurs congénères, aujourd’hui en prison pour avoir aimé quelqu’un sans l’imprimatur des adouls et la forfaiture de la société.  

On les attend pour le remaniement, ils ergotent. On les guette pour le cas de Hajar Raïssouni, ils se terrent. On les espère pour les libertés individuelles, mais l’espoir fait vivre, dit-on… M. Elotmani est psychiatre, chef du gouvernement, mais il se tait. M. Baraka est un homme moderne, mais il ne dit rien. M. Akhannouch est l’outsider de la prochaine élection, mais il prend sur lui de rester simplement out. M. Benchamas ne dit rien et personne d’ailleurs n’attend qu’il dise quelque chose. M. Benabdallah, d’habitude si prompt à dégainer son verbe, s’est pris la langue dans sa blanche moustache. Peut-être un hoquet de-ci de là, une hasardeuse bafouille, mais rien de plus !

Il faut nous dire, Mesdames Messieurs, que chez ces gens-là, on n’ose pas, on glose et on déroule sa prose. Et ce sont eux qui viendront dans quelques années quémander nos voix… ce sont eux qui seront en charge de mettre sur les rails un très hypothétique modèle de développement économique. Il est permis de nourrir des doutes… Il reste la société civile, les réseaux et le CNDH.

Attendons et, dans cette attente, gémissons sur notre liberté sexuelle rudement mise à mal. Et au lieu de modernité, contentons-nous de la médiocrité.

Aziz Boucetta