(Billet 155) – Un remaniement gouvernemental en forme de reniement monumental

(Billet 155) – Un remaniement gouvernemental en forme de reniement monumental

A quoi sert, et que peut faire, un gouvernement quand il est violemment attaqué par la vox populi, et quand il est taclé par le chef de l’Etat, certes poliment, mais taclé quand même ? Sans crainte d’erreur, mais avec respect, la réponse est « rien » ou, pour rester courtois, « pas grand-chose ». C’est le cas du gouvernement Elotmani qui n’a jamais été vraiment volontaire, mais plutôt éternellement velléitaire. Quant à « populaire », mieux vaut se taire à jamais…

Au 19ème siècle, James Freeman Clarke disait qu’ « un politicien pense à la prochaine élection et l'homme d'Etat, à la prochaine génération ». Or, un chef d’Etat, à l’image du nôtre qui dispose d’un pouvoir exécutif considérable, réagit en homme d’Etat qui a les yeux dans le guidon certes, mais aussi et surtout vers le lointain. Un gouvernement de politiciens avance à la lueur du code alors que le roi allume ses phares et voit donc plus loin. Et que voit-il ? Un peuple qui change, des générations qui surgissent, et tout ce monde qui bouge, remue et s’impatiente.

C’est ce qui a été montré dans ce discours du trône, prononcé le 29 juillet dernier, quand le roi Mohammed VI avait appelé à une refonte globale de la gente des décideurs, publics, gouvernementaux, administratifs ; autrement dit, les castes et les fastes, c’est aussi néfaste que révolu ! Depuis, et jusqu’à une rentrée qui s’annonce politiquement laborieuse, le gouvernement est entré en vacance, avec ou sans « s », et en errance plurielle. En réalité, les décideurs ne semblent pas avoir compris le message.

En effet, alors que Mohammed VI évoquait la compétence et invoquait l’expertise et l’expérience, le gouvernement Elotmani...

et M. Elotmani lui-même, sont toujours dans la funeste logique du consensus, réunissant les partis de la coalition pour unir les rangs de la majorité (plutôt triste, comme le montre l’image). Du classique, quoi… Pendant ce temps-là, les Hulk de la majorité ploient sous les coups de boutoir d’un Istiqlal qui ne se remet pas de son départ des affaires. Il n’y a plus vraiment que les déboires à répétition du PAM pour mettre de la bonne humeur au sein de cette classe politique morose qui gémit, qui ternit…

Et tous ces gens, les politiques, n’ont d’yeux que pour la prochaine élection, alors même que tant le peuple que le roi les appellent à réfléchir à la prochaine génération, qui est déjà là, qui trépigne, qui fulmine, et qui s’en va à gros bouillons. Las… Nicolas de Chamfort ne disait-il pas au 18ème siècle que « la plus jolie fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a » ? Et Sidi Abderrahmane Belmejdoub ne mentionnait-il pas, trois siècles avant, « les chevaux racés sont attachés pendant que les autres, harassés, caracolent »*…

Le message royal était porteur d’espoirs et d’espérances, mais sa déclinaison passera inévitablement par un remaniement qui est, disons-le, une forme de reniement, dans l’objectif d’un futur renouement entre décideurs et administrés. Et pour que les seconds reprennent vraiment confiance dans les premiers, c’est un changement de fond en comble qui est nerveusement attendu par l’opinion publique… tel qu’il a été gentiment annoncé par le roi. Aujourd’hui, le Maroc n’a plus besoin de politiques, qui ont montré leurs limites, mais de managers, technocrates soient-ils ou pas !

Aziz Boucetta

* La traduction n’est pas vraiment fidèle…