(Billet 153) – La raison du taxi est toujours la meilleure…

(Billet 153) – La raison du taxi est toujours la meilleure…

Au Maroc, il existe deux codes de la route, celui, écrit, que nous connaissons tous et que nous respectons si peu, et celui des taxis qui, comme la constitution britannique (excusez du peu !), ne figure nulle part et s’applique à tout le monde. Les taxis du royaume, petits ou grands, de quelque couleur qu’ils soient, fonctionnent selon des règles qui leur appartiennent, hors du temps certes mais encombrant l’espace.

Les plus érudits d’entre les chauffeurs de taxis vous diront qu’ils remplissent un rôle essentiel, puisque constitutionnel, et de vous citer pompeusement, le menton en avant et l’index brandi, « l’article quelque chose de la constitution qui donne le droit aux gens de se déplacer » (en réalité, c’est l’article 24). Ce faisant, ils omettent d’évoquer l’article garantissant le droit à la vie et celui qui prohibe tout mauvais traitement, dégradant soit-il ou inhumain. Et il est vrai que dans certains taxis réduits au rang d’épave, le simple fait d’y prendre place est un traitement au mieux dégradant, au pire inhumain…

Merveille du Maroc, cette capacité à alterner la post-modernité à la préhistoire… En témoignent ces gares flambant neuves où vous arrivez en train confortable (enfin… souvent confortable), voire en TGV, et une fois sortis de l’immense gare de Casablanca, Rabat, Tanger ou Marrakech, vous vous trouvez nez à nez avec des individus patibulaires qui vous trient en triturant vos destinations, et qui, en cas de bouderie du chaland, l’engueulent et lui en veulent. Une fois leur client/butin alpagué, ils l’enferment dans leur engin et vont prestement à la quête d’autres personnes.

A Casablanca, les taxis, rouge sang ou blancs comme des linceuls, ont mis au...

point leur propre code. Ils roulent comme ils veulent et où ils veulent. S’arrêter au milieu de la chaussée est chez eux une seconde nature, emprunter une avenue à contresens est leur péché mignon et utiliser son compteur une faveur dont ne bénéficient que les clients avertis. Certains, le physique difficile, l’hygiène douteuse, l’insulte rivée à la lippe, manipulant des engins qui tiennent par la poussière, quelquefois aussi par la peinture, tancent sévèrement le client hardi qui songe à s’attacher avec la ceinture de sécurité, quand elle est là. Ils leur bavent que dans un taxi, on n’utilise pas cet équipement, d’un commun accord avec la police. Que dit la police ?

Quant à ces choses appelées « grands taxis », elles ont connu un lifting ces dernières années. Leurs légendaires Mercedes 240 D ont été réformées, ces vénérables barcasses ayant été envoyées à la casse, puis remplacées par des ludospaces plus confortables. Seul problème : les conducteurs sont toujours les mêmes, toujours abrupts, souvent abrutis, embarquant en plus de leur personne six passagers, parfois sept, ce dernier étant coincé entre le chauffeur et sa portière, sous le regard indulgent des gendarmes. Que dit la Gendarmerie ?

Néanmoins, depuis quelques années, les choses se sont améliorées, par défaut. En effet, depuis que les triporteurs fleurissent sur nos routes et s’adonnent au transport de passagers, ceux-là se sentent davantage en sécurité dans un taxi. C’est dire… L’Etat de droit s’accommode de l’état de non-droit des taxis. Qui est responsable ? Le chauffeur du taxi, le titulaire de l’agrément ou l’Etat, qui distribue ces rentes allègrement et sans arguments ?

Vite, un modèle de développement rien que pour les taxis !

Aziz Boucetta