(Billet 142) – A votre (mauvaise) Santé !

(Billet 142) – A votre (mauvaise) Santé !

Quand le bâtiment va, tout va, dit-on… sans doute, mais quand la santé ne va pas bien, rien ne saurait aller, pourrait-on ajouter, bâtiment compris. Et la Santé ne va pas bien, mais alors pas bien du tout dans le royaume des fastes et des contrastes ! Tout le monde en convient, les partis, le gentil ministre de la Santé, les nantis médecins de la santé publique (ou privée) … et bien évidemment la population !

Entre l’aimable Anas Doukkali, l’intraitable Houssaine el Ouardi et la très évitable Yasmina Baddou, les ministres se suivent et ne se ressemblent pas, contrairement aux problèmes qui s’accumulent et s’assemblent, pour donner au final un système de santé lamentable, sur les problèmes duquel on se lamente... mais qu’on alimente. Il y a donc urgence !

Des chiffres, donc, pour déchiffrer cette lourde pathologie qu’est notre santé publique… Il existe donc au Maroc moins d’un médecin pour 1.000 habitants, l’OMS recommandant entre 2 et 3. La part du budget du ministère de la santé dans celui de l’Etat est de moins de 8%, en lieu et place de 12%... On forme 2.200 médecins par an, avec des besoins de 3.300. Des chiffres alarmants, qui pourraient être pires si l’on en croit le cri du Dr Afilal au colloque tenu par le RNI sur le secteur de la santé ce weekend : « Les chiffres du ministère sont faux ! », hurla-t-il à la face du SG du ministère, qui ne pipa mot. Il est vrai que les personnels médicaux publics sont plus poignants que soignants.

Ils sont environ 11.000 médecins à exercer dans le privé et réclamant des incitations fiscales...

pour rester dans le pays et ne pas rejoindre les 7.000 praticiens marocains qui travaillent en France. A défaut, on tombe dans la fraude fiscale (allez, évasion, pour être gentil), tel que cela a été dit et redit lors des Assises de la fiscalité. Mais pourquoi diable maintenir des moyennes élevées pour accéder aux facs de médecine puisque nous sommes dans un tel état d’indigence médicale ? Les mauvaises langues disent qu’un mystérieux lobby travaille à « stabiliser » l’offre de soins, car la logique veut que plus il y a de médecins et moins il y a de patients par médecin ! Pour le privé, comme on le voit, les gens se soignent en se saignant aux quatre veines, et s’appauvrissent, sachant que les ménages paient 51% de leurs dépenses de santé (beaucoup plus selon l’OMS)… Damned !

Pendant ce temps-là, le niveau et la qualité de la santé dans le royaume se délite, puis périclite. Pire encore, car dans ce secteur tout va de mal en pis, les systèmes de couverture médicale sont très inégaux, car selon que vous serez salarié du privé ou fonctionnaire, vous n’aurez ni les mêmes taux de cotisation, ni les mêmes services. Là aussi, urgence d'égalité !

Anas Doukkali a bien compris tout cela, et il l’admet même… Mais cela n’empêche pas l’ensemble du secteur d’être furibard : médecins grincheux et sur le départ, étudiants en colère et en grève, infirmiers exténués et extrêmement remontés, opticiens sur le créneau, ambulanciers en déshérence… Serions-nous un pays sous-développé, finalement ? A en croire les faits, cela ne fait pas de doute et c’est ce que tout le monde redoute.

Aziz Boucetta