(Billet 134) – Cherche grosse pointure pour promouvoir la culture…

(Billet 134) – Cherche grosse pointure pour promouvoir la culture…

La culture, dit-on, c’est ce qui reste quand on a tout oublié ; chez nous, on semble l’avoir elle-même oubliée… Or, la culture est d’autant plus importante dans le royaume qu’il se situe à la confluence de nombre de civilisations et de cultures, et qu’il en développé un syncrétisme qui fait sa particularité. Le problème est que les décideurs en charge du secteur ne l’ont que (très) rarement compris.

Quand on forme un gouvernement, il faut bien attribuer le portefeuille de la Culture à quelqu’un(e) ; ce quelqu’un(e) est un(e) politique, qui fait donc de la politique. Mais politique et culture ne riment pas souvent, et s’arriment encore moins. On ne peut faire de culture quand on n’a le culte de la politique … Quand, en 1981, le jeune Jack Lang, fraîchement nommé ministre de la Culture de François Mitterrand, avait créé la Fête de la musique, il ne faisait pas de politique, mais il avait la rage, ce dont M. Laâraj semble vouloir s’armer, il faut le lui reconnaître.

Et pour cause ! La culture est l’une des rares activités transverses d’un gouvernement, avec la sécurité et les jeunes… La culture, pour ceux de nos gouvernants qui ne l’ont pas encore compris, c’est le tourisme (50% du tourisme mondial est à but culturel), l’éducation, les jeunes, les territoires, l’animation des villes et des quartiers… En un mot, c’est le rayonnement du pays ! Et pour ceux qui ne l’ont toujours pas compris, parmi nos gouvernants, conseillons-leur charitablement de relire le discours du Trône de 2014, quand le roi avait demandé « Où est (la) richesse (du pays) ? », et qu’il y avait répondu, notamment, en affirmant qu’il faut « mesurer le capital historique et...

culturel de tout pays ».

M. Laâraj semble vouloir faire le job, mais il ne semble pas non plus trop pouvoir. Il faut dire qu’il n’est pas très aidé dans son gouvernement, dirigé par un M. Elotmani pourtant érudit, mais peuplé de gens qui, au lieu du patrimoine immatériel, cultivent davantage le capital et le matériel, en dépit de l’appel pressant du chef de l’Etat. Or, pour comprendre cet appel, et en prendre la mesure, il faut de la stature et de la pointure. Las…

Alors à défaut de gouvernement, le ministre ne trouvera son salut que dans la société civile, sans laquelle rien ne saurait être fait et hors de laquelle aucune richesse ne saurait être créée. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la CGEM a mis en place une Fédération des industries culturelles et créatives, pensée hier par Miriem Bensalah et présidée lyoum par Neila Tazi. La première est partie, la seconde est toujours là, et la mobilisation de la société civile, des artistes et des gens de culture, est en marche.

Le budget de la Culture au gouvernement est aussi rachitique que la place accordée à ce secteur par la classe politique, qui réduit son action culturelle à l’amazigh qui, plus qu’une culture, est une identité ! Le ministre Mohamed Laâraj doit, s’il veut se démarquer de nombre de ses prédécesseurs, s’appuyer sur la société civile, et s’asseoir avec elle autour d’une table, ronde ou pas. Cela tombe bien, il vient de nous apprendre que des Assises sont programmées pour octobre prochain. Formons des vœux pour que cela ne se réduise pas à un simple rituel où l’on fait ripaille avant de se quitter bons amis…

Aziz Boucetta