« Intégrer les femmes dans les initiatives de développement », Naakoshie Mills

« Intégrer les femmes dans les initiatives de développement », Naakoshie Mills

La question de l’émergence des femmes est-elle forcément tributaire d’une refonte des politiques de l’Union africaine en matière genre ?

Au-delà de la faible représentation des femmes au niveau des instances de décision, les mécanismes de politique à l’égard des femmes aussi englués dans les stéréotypes patriarcales. Autant de questionnement que Naakoshie Mills a voulu répondre à Panorapost et sans détours.

 Naakoshie Mills est une consultante en stratégie internationale spécialisée dans les marchés émergents en Afrique et l'autonomisation économique des femmes. Ancienne diplomate, Naakoshie a soutenu les relations du Secrétaire d’État américain avec l’Union africaine et assisté les membres du Congrès américain lors de réunions importantes avec leurs homologues de l’Union européenne en Belgique. Au cours de ses années dans la fonction publique, elle a collaboré avec plusieurs organisations à but non lucratif ainsi qu'avec le secteur privé, favorisant l'autonomisation économique des femmes, la programmation culturelle et le développement social en Afrique et en Amérique latine. Diplômée de l'Université Howard, Naakoshie a obtenu une maîtrise en affaires internationales et politique publique à l'Université Columbia et à l'Université Sciences Po. Elle a vécu sur 5 continents et parle espagnol, français, un peu amharique et est déterminée à maîtriser le zoulou nous dit-elle. 

Quel est l'impact de la représentation des femmes dirigeantes au sein de l'UA?

Le leadership et la représentation des femmes favorisent la prise de décisions dans différentes perspectives. Avoir une plus grande représentation signifie également que nous continuons à nous sensibiliser et à sensibiliser la communauté africaine aux femmes en tant que dirigeantes, ce qui, je pense, a un impact considérable sur la socialisation et le développement du continent, en particulier dans la formation des jeunes filles, par exemple.

Avec l'Agenda 2063, l'UA a pris plusieurs initiatives. Existe-t-il des axes susceptibles de modifier radicalement les politiques africaines en matière d'égalité des sexes?

Une Afrique dont le développement est axé sur les individus, qui mise sur le potentiel des Africains, en particulier des femmes et des jeunes, et qui prend soin des enfants, souligne directement l’égalité des sexes. Bien qu’elle soit incroyablement ambitieuse, assurer la parité complète des sexes et mettre fin à toutes les formes de violence et de discrimination fondées sur le genre, si elle est adoptée progressivement et efficacement, nous pourrions assister à des avancées majeures dans le développement global des femmes d’ici 2063.

 Quel mécanisme peut être utilisé pour accélérer les progrès vers l'égalité des sexes en Afrique

Le progrès des femmes sur le continent est double. Nos institutions...

doivent lutter pour la parité hommes-femmes mais également intégrer le genre et l'autonomisation des femmes dans les initiatives de développement. Si l'UA a pris les devants, il incombe toujours aux différents États de définir des priorités et de faire pression pour l'égalité des sexes. De nombreux pays ont par exemple incorporé de solides cadres de parité hommes-femmes, comme le Rwanda et l'Afrique du Sud, et ces gouvernements peuvent partager les meilleures pratiques avec leurs voisins dans des forums bilatéraux ou par le biais des communautés économiques régionales.

Dans quelle mesure les stéréotypes existants en Afrique peuvent-ils constituer des obstacles à une véritable égalité?

À tous les niveaux de la société, certains ont des stéréotypes qui vont à l’encontre des aspirations de l’UA en matière d’égalité des sexes. Dans certains cas, nous avons vu des gouvernements africains avoir ces croyances débilitantes. Un exemple en est les campagnes de promotion de la décence, organisées par certains dirigeants africains dans les années 70, au cours desquelles le corps et le comportement des femmes ont été très critiqués et soumis à une réglementation excessive. Dans les cas plus graves, l'ignorance, les stigmates et les stéréotypes peuvent conduire à des attaques violentes contre les femmes. Bien que les individus puissent avoir des opinions et des croyances négatives, il est essentiel que les dirigeants africains continuent de faire valoir l’égalité pour protéger les plus vulnérables : les femmes et les enfants.

Les dirigeants africains ont-ils réellement la volonté politique de réaliser l’égalité ?

Je pense qu'il existe une réelle volonté politique parmi les dirigeants africains, qui ont adopté l'Agenda 2063 en 2013. Le défi consiste à financer et à maintenir l'élan. En outre, la communauté internationale et la société civile peuvent continuer à faire pression sur les gouvernements africains pour qu’ils restent dans la bonne voie du plan de l’UA et de leurs propres initiatives nationales.

Le plaidoyer effectué à ce niveau est-il toujours bon ? Quel est le manque d'organisations de femmes pour faire un bon plaidoyer ?

Un plaidoyer aux niveaux local, national et international est nécessaire pour parvenir à la parité complète des sexes. L’engagement de l’UA sur cette question n’est pas seulement symbolique, il insiste également sur un cadre qui, espérons-le, changera radicalement les moyens de subsistance des femmes africaines. Dans le même temps, la société civile devrait être revigorée et renforcée pour apporter des améliorations au niveau local. Les gouvernements devraient continuer à investir dans les organisations communautaires et devenir plus accessibles aux dirigeantes locales.

Propos recueillis par Mouhamet Ndiongue