(Billet 113) – Foin de zéros, place aux héros !

(Billet 113) – Foin de zéros, place aux héros !

Il fut un temps pas très éloigné où les héros étaient construits, fabriqués, par les pouvoirs en place ou par les studios cinémas. C’était l’époque où l’info et la création étaient entre les mains de quelques-uns. Aujourd’hui, c’est toujours le cas, mais le contrôle s’incline désormais face aux trolls qui détrônent les uns et couronnent les autres au gré des humeurs de la vox populi.

La créativité artistique et la multiplication des supports véhiculant ces créations, qu’on peut même parfois appeler œuvres, engendrent un besoin de reconnaissance, voire de célébrité, et parfois d’héroïsme, au sein des populations. Après les Etats-Unis, la France d’Emmanuel Macron s’y est mise aussi, consacrant des personnages hors du commun, à la grande joie du populo. Le pilote qui pose son avion sur l’Hudson, à New York, sans faire de victimes, ou encore le Malien clandestin qui escalade une façade d’immeuble à Paris pour sauver un enfant. Des héros, une avalanche de considération, une pluie d’honneurs, une brochette de médailles et des médias en ordre de bataille… avec un public, un peu paumé en ce 21ème siècle, qui s’identifie à ces personnages.

Au Maroc, point de tout cela. Un vide considérable, voire sidéral. On se contente des joueurs de foot quand, d’aventure, ils gagnent quelque chose, ou d’athlètes qui, il faut le reconnaître, se font rares depuis quelques années, ou d’artistes refaits, défaits ou surfaits. Et pourtant, nous avons nos héros, il suffit de coller aux réseaux sociaux et on en déniche....

Des gens du cru, des gens dans le creux, des gens de peu, sans argent ni entregent qui, un jour, ont fait quelque chose d’intelligent.

A défaut de consacrer des héros, la société, qui a horreur du vide, en fabrique de toutes les façons… Cela va de la jeune Hayat Belkacem, tuée par des tirs de la Marine royale fin 2018, à Nasser Zefzafi, que les gens ont porté aux nues et qui jouait les fiers-à-bras avec une douzaine de gros bras. Et pourtant…

La semaine dernière, à Kenitra, un garçon a sauvé une jeune femme qui voulait se jeter de sa fenêtre. Au péril de sa vie, il s’est laissé tomber en rappel du toit, se jetant de tout son poids sur la femme qu’il a repoussée vers l’intérieur. Grosse émotion et salve d’applaudissements de la foule… Indifférence générale des dirigeants, toujours aussi affligeants qu’un remords. Et cette semaine démarrent les épreuves du bac, et on ne parle que de tricheurs et de fraudeurs 2.0, députés soient-ils, supposément, ou non. Mais le bac consacre aussi de jeunes talents qui forcent le respect, ainsi que le fait l’OCP avec son lycée d’excellence. Voici quelques années, ils étaient décorés et adorés, mais plus maintenant…

Ce sont ces jeunes qu’il faut ériger en héros nationaux, ceux qui ont des 19, qui apportent du sang neuf, qui feraient tellement de bien à notre amour-propre national et qui réduiraient notre sinistrose irrationnelle.

Aziz Boucetta