(Billet 105) – Le Maroc souffre de son leadercheap

(Billet 105) – Le Maroc souffre de son leadercheap

Un pays, une nation, une société a besoin de chefs, de leaders, de figures connues dans lesquelles les gens se reconnaissent et auxquels ils s’identifient. C’est partout pareil, et cela a de tous temps été le cas. Même chez nous… Mais voilà qu’aujourd’hui, le plus beau pays du monde a aussi ceci de singulier qu’il manque de personnages emblématiques.

Dans la seconde moitié du 20ème qui, étrangement, commence pour nous en 1956, on avait des leaders dans tous les domaines. El Ghiwane, Jil Jilala, Naïma Samih dans la chanson, el Alj, Seddiki dans le théâtre, Hassan II, Zdi Allal (sic), Bouabid, Ben Barka et même Basri en politique, Faras, Dolmy, Aouïta, Aynaoui en sport, el Jabri, Belal ou Mohamed Guessous dans le domaine intellectuel… Il y avait des Grands dans un Maroc alors tout petit.

Aujourd’hui, c’est l’inverse : le Maroc se veut et se voit grand, mais avec des personnages lilliputiens, malgré toute la considération due aux uns et aux autres dans leurs domaines respectifs ! En dehors de la personne de Mohammed VI en politique, personne n’émerge vraiment, nulle part. Un peu Abdelilah Benkirane en son temps, mais il n’a pas su soigner sa sortie ; se voulant au-dessus de la mêlée et de ses soubresauts, il s’est par la suite un peu emmêlé les pinceaux. Pas de grands artistes créatifs et créateurs, pas de grands sportifs...

dominateurs, pas de politiques triomphateurs, pas d’intellectuels mobilisateurs…

De celle qui veut se maquiller à l’autre qui s’est maquée, ça manque de leadership, de profondeur, d’épaisseur… en politique, la joute verbale a cédé la place à l’invective… il faut bien passer le temps, il faut bien que la bouche insulte ; naguère, le parlement ne servait pas à plus qu’aujourd’hui, mais il avait de la prestance… en sport, on gagnait, et quand on perdait, c’était avec panache ; aujourd’hui, c’est l’ascenseur émotionnel avec des sportifs poussifs… Et pourtant, la qualité d’un leadership national est primordiale pour promouvoir une forte présence ou une bonne gouvernance dans tous ces domaines.

Certes, la tendance est universelle. Partout, on glisse des figures notables aux figurants jetables, de personnages durables à des créatures improbables… Mais au final, la population jeune est désemparée et se met à chercher ses icônes ailleurs, à l’est ou au nord du royaume, voire à s’en aller vers cet ailleurs fantasmé. Les moins jeunes perdent leurs repères également, eux qui ont connu jadis de grands personnages qui ont tutoyé l’Histoire.

Aujourd’hui, nous avons des gestionnaires plus ou moins technocrates et des politiciens plus ou moins ploutocrates ; mais de leader, point, et de vision, encore moins. Or, comme dit le sage, « un leader sait ce qu'il faut faire ; un manager sait seulement comment le faire ». Et encore, pourrait-on perfidement préciser…

Aziz Boucetta