(Billet 96) – Une police plus citoyenne pour des citoyens plus policés

(Billet 96) – Une police plus citoyenne pour des citoyens plus policés

« Un pays peut vivre sans journalistes, mais pas sans police », disait, en 2002, un officier de police indélicat et arrogant à des journalistes venus immortaliser sa brutalité à l’égard d’une femme. Cela se passait à une époque où la police et la population se témoignaient une méfiance mutuelle, qui semblait éternelle. Les temps ont changé depuis, et Abdellatif el Hammouchi, le patron de la DGSN et de la DGST, aura réussi la prouesse de réformer un appareil réputé « inréformable ».

C’était un temps que les moins de vingt ans, et même de trente ans, ne peuvent pas connaître… un temps où la simple vue d’un uniforme vous statufiait de peur, où la simple présence de cet uniforme vous rendait aussi insignifiant face à l’immensité qu’impuissant, et à la férocité, de l’appareil en face. Et ce sont les jeunes de moins de vingt ou trente ans qui critiqueront ce billet, car ils ne savent pas comment étaient nos policiers, et comment ils sont devenus.

La DGSN compte aujourd’hui environ 70.000 personnels, dont 5.000 femmes. La parité n’est certes pas bouleversante, mais les femmes sont présentes dans tous les services, et 65 d’entre elles occupent des postes de commandement élevés (laboratoire scientifique, direction informatique, coopération internationale, entre autres).

Jadis, la DGSN était au service de l’Etat, et rien d’autre que l’Etat. Aujourd’hui, elle est au service des citoyens, en plus de l’Etat. Cela n’a l’air de rien, ou plutôt à l’air d’une clause de style, mais l’évolution est...

réelle. Corps urbain ou police scientifique, antiterrorisme ou police judiciaire, la DGSN s’est organisée, modernisée, informatisée, civilisée, et a gagné en efficacité, n’ayant plus la conviction d’avoir tous les droits, mais celle de respecter le droit.

Et comme les choses ne se voient pas forcément au premier coup d’œil, la nouvelle DGSN est arrivée, avec des uniformes changés et une règle uniforme, celle de respecter les normes et les formes, et d’introduire des réformes. Oh certes, il y a toujours des abus et des rebus, mais ils sont sanctionnés, rudement, et publiquement. Il est vrai que la population a changé, et que les lanceurs d’alerte sont bien plus efficaces que les lanceurs d’invectives. Sauf qu’aujourd’hui, la direction réagit, et pas toujours en faveur de ses agents. Près de 2.500 mesures disciplinaires pour la seule année 2018…

Sur le plan sécuritaire, la police et les services marocains sont désormais connus et reconnus dans le monde entier pour leur efficacité discrète. Les Français, par exemple, le savent très bien, depuis les attentats de novembre 2015 et la traque et la « neutralisation » (au moyen de 5.000 munitions et d’explosifs !) d’Abderrahim Abaaoud, rendues possibles grâce aux efforts combinés de la DGSN et de la DGST.

Au Maroc, différemment de certains pays dans la région, on ne remercie pas la police, qui fait simplement son job, mais on lui témoigne de la considération. Il est désormais ringard de taper sur les flics qui, eux, ne tapent plus sur personne.

Aziz Boucetta