(Billet 94) – L’émoi sucré de ramadan

(Billet 94) – L’émoi sucré de ramadan

Une seul ch-hiwa vous manque et tout est dépeuplé, pourrait-on dire quand on voit les comportements étranges des gens durant ce mois de jeûne. Le mois, on le dit sacré, sans doute parce que les gens sont sacrément énervés, et de fait, en toute logique, s’installe une directe corrélation entre l’avancée de la sainte journée, la montée de la température ambiante et l’échauffement des jeûneurs. Parfois, souvent même, ces derniers chauffent sans même la canicule…

Et voilà donc nos gens qui, le matin, entament leur longue journée au volant de leurs voitures, dans les taxis, les bus, les triporteurs, à pied… L’humeur n’y est pas, ou alors mauvaise, ou simplement morose. L’habitude du petit-déjeuner manque et le manque s’installe chez les jeûneurs… en début de journée, les gens sont simplement calmes, quasi résignés. Et comme jeûner ne veut pas forcément dire prier, l’acte I du ramadan est de s’intéresser à l’heure du coucher du soleil, qui correspond à la fin du sommeil.

La journée passe, dans une torpeur qui torpille toutes les potentielles initiatives. On ne va pas au travail pour produire, mais pour attendre le moment de faire ripaille. A 16 heures, les gens sortent du bureau, les enfants sortent des écoles et les conducteurs sortent de leurs gonds.

Les chauffeurs de ces épaves que l’on...

tient à appeler bus sont plus négligents que de coutume, et les taximen sont plus diligents que d’habitude. Les feux de circulation alternent mais les conducteurs n’en ont cure, voyant rouge car pressés d’aller se mettre au vert. Et ça klaxonne furieusement, ça slalome, ça éructe et ça insulte… on dirait chez certains nôtres que quand l’aliment n’entre pas en bouche, l’injure en sort, comme pour conjurer le sort… On se précipite alors dans les boulangeries, un lieu de pré-rupture du jeûne, avec le nez et les yeux, en attendant mieux, en rêvant au repas copieux. Viennoiseries, gâteries et autres sucreries transforment le mois sacré en émois sucrés.

Et de fait, durant une heure, en milieu d’après-midi, la circulation devient anarchique, avec des gens, ne respectant plus aucune règle que celle du manque. Puisque la loi divine est observée, pourquoi s’encombrer de celle des hommes ? Et puis arrive l’heure du coucher, et du bouffer… Avant, le ftour démarrait avec de la musique andalouse pour caresser les oreilles, mais ça, c’était avant… aujourd’hui ces mêmes oreilles sont oppressées par les glapissantes pubs d’opérateurs offrant 50 giga et celles, assourdissantes, de promoteurs proposant 50 m²...

Mais bon, du moment que la zerda est là… inspirée de Pantagruel, et Gargantua aussi.

Aziz Boucetta