(Billet 92) – Cherche homme d'Etat, désespérément

(Billet 92) – Cherche homme d'Etat, désespérément

S’il y a quelque chose qui manque cruellement dans le monde politique d’aujourd’hui, c’est bien l’homme d’Etat. Partout sur le globe, on voit émerger, fleurir et prospérer des bouffons, des milliardaires, des populistes, des radicaux et des marginaux… mais d’hommes d’Etat, point. Ou si peu, et si peu visibles. Et pourtant, si les peuples vivent dans des systèmes étatiques, les Etats requièrent pour avancer des hommes et des femmes, dits d’Etat.

« La différence entre un politicien et un homme d’Etat est que le premier pense à la prochaine élection et que le second pense à la prochaine génération », disait au 19ème siècle le théologien et intellectuel américain James Freeman Clarke. A la lecture de cette sentence, et en l’appliquant au Maroc, le constat est simple : le royaume ne dispose pas d’hommes d’Etat, sauf le roi, ce qui tombe bien, puisqu’il est le chef de l’Etat. Hélas, ses discours ne sont pas toujours compris des politiques, même quand ils y sont rudement mis en cause.

Tous nos hommes politiques, ainsi qu’ils l’attestent eux-mêmes, ne pensent qu’à la prochaine élection, qui est leur objectif premier, voire leur obsession. Le pouvoir est pour eux une fin en soi, pas un moyen de mettre en pratique leur vision, dans le cas hautement improbable qu’il y en ait une.

En revanche, un homme d’Etat a, forcément, le sens de l’Etat et la conscience du long terme ; il voit au-dessus de la mêlée...

et ne cherche surtout pas à complaire aux uns et à ne pas déplaire aux autres, à la recherche d’avantages immédiats et éventuellement d’un nom de rue, de bibliothèque ou de dispensaire, post-mortem. Contrairement aux vulgaires politiciens, il ne fait ni dans l’omerta ni dans la vendetta, mais il sert son Etat.

Et c’est là que pèche notre constitution, en son article 47 qui dispose et impose que le roi doit obligatoirement choisir le chef du gouvernement au sein du parti arrivé premier aux élections. Mais quels sont les partis qui offrent un choix intéressant au chef de l’Etat ? Aucun ! M. Benkirane aurait pu être un homme d’Etat, mais il manque de consistance, M. Elotmani manque d’autorité, M. Akhannouch manque d’idées, M. Baraka manque de charisme, et tous les autres manquent et manqueront à l’appel.

Nous sommes à deux ans des législatives, et on pense déjà à bricoler la constitution pour tracer une autoroute à des gens qui ne sont pas obligatoirement fait pour le job et qui sentent venir leur défaite prochaine. Ce n’est donc pas au sein de la classe politique actuelle qu’on trouverait des hommes (ou femmes) d’Etat ; il faut chercher dans la société civile, dans l’entreprise, ailleurs… Il en existe… Pensons-y… Il n’est pas nécessaire de faire « comme les autres », dont les systèmes ont d’ailleurs montré leurs limites chez eux. Réfléchissons à chez nous car le peuple stresse et le temps presse.

Aziz Boucetta