(Billet 89) – L’acte médical le plus important ? Etablir une facture…

(Billet 89) – L’acte médical le plus important ? Etablir une facture…

S’il existe de par le vaste monde, et au Maroc aussi, une profession de prestige, c’est bien la médecine… mais s’il existe au Maroc un métier de plus en plus malaimé, c’est bien celui de médecin. Dans un pays où le service public de santé pousse ses derniers râles, les gens sont conduits à aller vers le privé. Et une fois-là, leur seul et unique droit est de subir le diktat des privés ce métier pourtant si noble.

Cette éminente profession perd, depuis plusieurs années, l’aura qu’elle aura accumulé des siècles durant. Et c’est aujourd’hui, à une époque où la médecine a enregistré tant d’avancées qui la rendent pratiquement miraculeuse, qu’un nombre croissant de praticiens la rend hideuse. On dira à raison qu’il ne faut point généraliser. Certes, mais cela n’ôtera rien à la responsabilité de ce corps professionnel quand il sait, puis tait, des agissements aussi vils que mercantiles.

Voici quelques années, un médecin casablancais, en charge d’un jeune stagiaire, lui avait demandé quel était l’acte médical le plus important. Face au silence du jeune homme, notre médecin avait tranquillement répondu ceci : « C’est l’établissement de la facture » … Une boutade certes, mais qui en dit long sur l’esprit caché de tant de médecins, et qui est apparu lors des récentes discussions fiscales avec les patrons des cliniques privées dont une partie se shoote à la vanité.

Un médecin est une personne qui a fait de longues et pénibles études, et il est naturel qu’il gagne sa vie en conséquence....

Mais il n’est pas nécessaire qu’il devienne âpre au gain, avide et cupide. Un médecin est aussi une personne qui a de l’autorité ; il n’est pas nécessaire non plus qu’il en devienne arrogant. C’est le cas dans les cliniques et même dans un nombre croissant de cabinets, où les patients doivent souvent patienter des heures avant de rencontrer le médecin quelques minutes.

L’acte de soigner est un acte de vie, un acte de foi, de joie. C’est aussi un acte de discipline, d’abnégation et de sacrifice… en principe. Aujourd’hui, on ne demande plus aux médecins d’être philanthropes, mais on est en droit d’attendre d’eux qu’ils ne soient pas des sangsues. Les Ordres doivent être là, pour faire régner l’ordre dans leurs rangs, et surtout la moralité. Quand, par exemple, un médecin devient, tout en pratiquant, promoteur immobilier ou propriétaire de Monopoly réel, il est important que son ordre y mette le holà en hélant l’indélicat… ce même Ordre doit aussi sévir, au moyen de contrôles, contre les chèques de garanties et les locaux décatis, les actes clandestins et les comportements de philistins.

L’Ordre des médecins ne doit pas seulement défendre la corporation et la profession, mais aussi la population et la nation car, avec le ministère, il est responsable de la santé publique dans le royaume. Le médecin ne doit pas user de sa position de force pour forcer son destin… et ses patients. Heureusement qu'il y a encore tant de médecins qui... forcent le respect !

Aziz Boucetta