(Billet 87) – Les comptes, mécomptes et décomptes des partis...

(Billet 87) – Les comptes, mécomptes et décomptes des partis...

Un parti politique, c’est supposé un jour diriger un pays, et c’est donc supposé savoir compter, établir des bilans, respecter des codes… supposé honnête, quoi. Supposé seulement car au Maroc, comme ailleurs mais un peu plus qu’ailleurs, les comptes des partis politiques sont aussi peu nets qu’honnêtes, ainsi que le laisse très aimablement entendre la Cour des comptes.

Ainsi, aux dires de l’audit 2017 des juges « de » Driss Jettou, on apprend qu’il existe au Maroc 34 partis politiques, en gros 1 pour un million de têtes. Mais les choses sont plus compliquées… Sur ces presque trois douzaines de formations, quatre n’ont pas jugé nécessaire de présenter leurs comptes, dont celle du tonitruant Me Ziane qui est tellement épris de moraliser tout et tous qu’il en a oublié de le faire pour lui-même. Il faut croire qu’on n’est jamais mieux desservi que par soi-même. Trois autres partis ont présenté leurs comptes hors délais, et il semblerait que la gauche a son calendrier à elle, sans doute révolutionnaire, puisqu’il s’agit d’Annahj addimoqrati et du PSU de Dame Mounib, intraitable mais pas comptable.

En 2017 donc, plusieurs partis ont organisé leurs congrès, et en l’occurrence les trois premiers, si l’on exclut le PAM qui s’exclut lui-même de tout… PJD, Istiqlal et RNI ont tenu leurs conclaves et l’Etat leur a accordé pour cela la somme étourdissante de 15 millions de DH ! Pas mal, non ?...

Non. Explications… Convoquer, convoyer, loger et nourrir 4.000 types à el Jadida pour le RNI, autant pour l’Istiqlal et un peu moins pour le PJD, à Rabat, a dû coûter plus cher que cette obole… Le tout-venant militant au Maroc, pour venir et militer, doit se sustenter, avec traiteur si possible. Et comme un traiteur est généralement intraitable sur ses prix, il lui faut face à lui des personnes ressources dotées de solides bourses… Il y en a et elles se reconnaîtront.

Venons-en daba à l’autonomie financière de nos partis. Deux formations de la majorité vivent presqu’exclusivement de la charité – pardon, générosité – publique : l’UC (99,95% de ses ressources viennent de l’Etat) et le MP (94%). On comprend dès lors leur mutisme. للي ما عندو فلوس كلامو مسوس, dit-on chez nous… Enfin, la Cour observe que les comptes ne sont pas toujours aux normes requises : Si les partis locaux ont rarement une idéologie, ils ont en revanche leurs coquetteries comptables.

Bon, sans rire… la Cour a fait son job ; elle a d’abord décortiqué, puis critiqué. Mais qui fera le compte des véritables dépenses des partis ? Les coteries régionales et les sauteries internationales, les Politburos « dépaysés » et les investissements osés, les encouragements aux revirements, suivis des recrutements, sans oublier les butins pour les scrutins, tout cela a un prix… comme la démocratie, qui gagnerait à ne pas être privatisée.

Aziz Boucetta