(Billet 85) – Le Maroc se vit… mais se vide

(Billet 85) – Le Maroc se vit… mais se vide

S’il existait une ONU de l’enseignement, le Maroc mériterait assurément d’en abriter le siège. Un nombre croissant de pays viennent ouvrir leurs écoles sur nos terres et à la barbe de notre gouvernement de plus en plus imberbe. Derniers venus en date, les Finlandais… qui viennent s’ajouter à une longue liste de presque une dizaine d’autres pays. Et que fait le ministère de l’Education, le gouvernement ? De l’observation sans obstruction. Et l’hémorragie devient nationale, en attendant qu’elle soit une cause… La fuite des cerveaux bascule en fuite tout court.

Des chiffres qui donnent le tournis, voire qui retournent… 100 informaticiens partent chaque mois, affirme l’APEBI … 600 ingénieurs s’en vont chaque année, confirme le ministre à ciel ouvert… 2,1 millions de migrants en 2000, presque 5 aujourd’hui, dont une bonne part d’étudiants partis se former et restés depuis, affirment les statistiques… et tant qu’à faire, des écoles étrangères venues d’une dizaine de pays pour éduquer, en vue d’ultérieurement piquer, nos gamins…

A l’origine, il n’y avait que les Français, histoire commune oblige. Puis les Américains sont arrivés, car on ne refuse rien aux Yankees. Ensuite les Espagnols et Italiens ont décidé de franchir le pas, et le Détroit, au nom de l’histoire et de la proximité. Et c’est au tour des Belges et des...

Canadiens, pourquoi pas, puisqu’ils sont francophones… Les Saoudiens viennent car ils ont la foi et les fonds… Et aujourd’hui, des entreprises européennes ayant pignon sur rue viennent carrément faire du débauchage pour embauche ailleurs !

Pour tous ces jeunes Marocains, formés ici et recrutés ici, pourquoi partir ? C’est là qu’il faut chercher… Pourquoi ce pays, le Maroc, nous l’aimons tant mais nous le quittons tout autant ? Pourquoi exaltons-nous souvent la qualité de vie dans ce pays, tout en maintenant l’objectif désormais national de le quitter ? Les inégalités de chance, les perceptions négatives sur les injustices, une classe politique famélique, une société étouffante et des traditions éprouvantes, des lois trop rarement respectées et des connivences trop souvent suspectées…

Alors, avec toutes les écoles étrangères s’installant parmi nous, le royaume perdra un jour, et perd déjà, ces enfants éduqués par d’autres, qui préféreront s’en aller courir leurs chances chez l’étranger venu les quérir chez eux. Ils partiront le cœur sans doute serré, mais ils partiront, rejoignant les autres, ex-étudiants, cadres, techniciens, informaticiens, partis légalement ou non... Le Maroc, finalement, on l’aime certainement, MAIS on le quitte prestement et massivement ! Et c’est là un danger extraordinaire car que reste-t-il quand une nation perd ses cerveaux et ses élites ? Au « mieux », elle se délite, au pire, elle périclite.

Aziz Boucetta