(Billet 82) – Des militaires à la pensée élémentaire

(Billet 82) – Des militaires à la pensée élémentaire

Ce qui est extraordinaire quand les militaires entrent en politique, c’est qu’ils n’y comprennent goutte, et ne se remettent jamais en doute. L’affaire est simple : il n’y a qu’à transformer toute une nation en caserne, décréter que les citoyens sont des bidasses et le tour est joué, le tout est floué… et sur les mécontents, on tire… il n’y a aucun risque, puisque généralement ce sont des civils désarmés !

Alors que dans le monde, les militaires entrent dans leurs états-majors et y restent, ou se défroquent pour faire de la politique s’ils ne peuvent vraiment pas résister à cette envie, chez les Arabes, les soldats décorés veulent en plus être adorés. Au canon de la baïonnette si besoin, mais adorés. Et il n’y a que chez les Arabes que cela se passe encore comme ça… Le général Omar el-Béchir, jadis génocidaire, sera resté au pouvoir 30 longues et interminables années, et le général Ahmed Gaïd Salah aspire à au moins l’égaler, même s’il navigue aujourd’hui en pleine tempête, ce que sa silhouette peu martiale ne permet pas vraiment.

Toujours dans la région, puisque toujours chez les Arabes, les maréchaux. Dans la tradition militaire des pays civilisés, maréchal n’est pas un grade, mais une distinction qui honore un général victorieux. Las… Ni le maréchal Abdelfattah al-Sissi ni son voisin le maréchal Khalifa Haftar n’ont jamais réellement...

gagné quelque chose, en dehors de beaucoup d’argent et du mépris général des vrais soldats.

Comme la loi marocaine interdit de s’en prendre à des chefs d’Etat étrangers, nous ne dirons que le plus grand bien du maréchal al-Sissi, dont la popularité ne fait aucun doute : les Egyptiens viennent d’adopter « sa » constitution, qui le fera tenir jusqu’en 2030. 88,8% des gens ont hurlé leur oui franc et massif, mais on dit que 11,2% sont activement recherchés depuis hier en Egypte.

Quant au général algérien Gaïd Salah, il est l’exemple même du démocrade… et il comprend vite, quitte à changer de posture tous les mardis. Au début, il a copieusement engueulé le peuple, avant de se rétracter et de pousser le président stagnant vers la sortie, puis d’appeler à des élections, et ensuite de réveiller Dame Justice, aveugle au sens premier du terme. Plus chamarré et édulcoré que décoré, il se rêve en al-Sissi (tenir jusqu’en 2030, que du bonheur…) et espère toujours une guerre qui le fera héros, lui qui a acheté six sous-marins aujourd’hui engloutis dans une mer infestée par les (vrais) sous-marins russes, américains, chinois…

El-Bachir est aujourd’hui en prison, al-Sissi continue d’envoyer des gens en prison, Haftar a perdu la raison et Gaïd Kalakh croit avoir raison. Mais au final, ce sont les peuples qui auront raison de tous ces militaires à la pensée élémentaire.

Aziz Boucetta