Zoom n°11 : Messianisme démoniaque

Zoom n°11 : Messianisme démoniaque

Dans le passé, les juntes militaires ont souvent tenté de légitimer la prise du pouvoir avec l'intention de sauver leur nation d’une possible menace idéologique ou pour rétablir de l’ordre démocratique qu’elles ont elle-même contribué en protégeant les politiciens kleptocrates et dictateurs. Au Moyen-Orient, le désir de s'opposer à Israël ou, plus récemment, le fondamentalisme islamique a été utilisé comme prétexte. En 1990, l’Algérie, lors du conflit armé, avait expérimenté la tuerie de masse avec le massacre de 100 000 personnes dans des combats où les forces de sécurité, avec comme alliées des milices s’étaient opposés à des groupes islamistes armés qui combattaient le gouvernement. On remarquera qu'en Amérique latine, le sujet de la menace du communisme ou du capitalisme a souvent servi de mobile.

L'Afrique et le Moyen-Orient ont été le théâtre de dictatures militaires plus fréquemment que sur d'autres continents. Une des raisons en est probablement le fait que la cohésion et la structuration interne des pays des forces armées sont traditionnellement plus fortes que celles des institutions civiles. C’est le cas en Egypte où depuis que le président Abdel Fattah al-Sissi a obtenu un second mandat lors d'une élection présidentielle, largement contrôlée et inéquitable, ses forces de sécurité ont intensifié leur campagne d'intimidation, de violence et d'arrestations contre des opposants politiques, des activistes de la société civile et beaucoup d'autres ayant simplement exprimé une critique modérée du gouvernement. Pour justifier leur dictature, le gouvernement al-Sissi et les médias nationaux ont justifié cette répression sous prétexte de lutte contre le terrorisme, et le président égyptien a de plus en plus invoqué le terrorisme et la loi sur l’état d’urgence du pays pour réduire au silence les activistes pacifiques.

En faisant le focus sur le Moyen-Orient et particulièrement sur l'Afrique du nord et de l’est, on se rend compte que des régimes soudanais, syrien, égyptien et dans une certaine mesure, algérien et mauritanien, devaient certainement être comptés parmi les dictatures militaires qui ont progressivement évolué vers différentes formes de despotisme.

Le rituel des régimes militaires, c’est la tendance à se déclarer neutre et non partisane, par rapport


aux parties du régime précédent renversé, pour se donner une crédibilité et une légitimité qui ne saurait se transformer en leadership provisoire en période d'instabilité et de turbulence ; de plus, ils s'efforcent souvent de décrire les politiciens civils comme corrompus et incompétents. L'une des mesures que les dictatures militaires adoptent presque toujours est la proclamation de la loi martiale ou l'état d'urgence permanent. A partir de cette chappe de plomb sur la tête de leur population, les régimes militaires ne lésinent souvent pas sur la répression pour tenir en respect leur peuple. L’ex dictateur soudanais, déchu, Omar El Béchir a usé de cette méthode en 2013, ce qui a poussé les organisations de droits l’homme a signalé de graves violations des droits humains et des actes de crimes de guerre au Darfour, ainsi que dans les États du Kordofan du Sud et du Nil Bleu, et une vague de répression à travers le pays, notamment des meurtres de manifestants.

Bien qu’il y ait eu des exceptions, les régimes militaires respectent généralement peu les droits de l’homme et sont prêts à utiliser tous les moyens pour faire taire les opposants politiques. Dans un autre registre, ils tâtonnent plusieurs mois sinon des années avant la maîtrise des véritables dossiers politique, diplomatique voire même économique. Cependant, ils n'abandonnent souvent le pouvoir que sous la pression d'un soulèvement populaire déjà imminent en Algérie -même si l’armée n’est pas apparente dans sa prise de pouvoir - ou en cours comme c’est le cas au Soudan.

Les États où règnent les régimes militaires, la constitution est militaire, les présidents sont des militaires, leur formation est donc de ce type. La conséquence est que le rôle de l'armée est fondamental, en raison de l'équilibre politique interne et externe, et fonctionnel pour les accords sur les ressources naturelles, ainsi que pour le phénomène de l'accaparement des biens publics. Ce nouveau système d’enrichissement des militaires résulte le plus toujours d’un autre coup d’Etat car les non servis pourraient prendre les armes à tout moment, car « qui règne par les armes, péri par les armes ».

Mouhamet Ndiongue