(Billet 58) – Yes, we can…nabis

(Billet 58) – Yes, we can…nabis

Le cannabis au Maroc, c’est en gros de la fumette pour les uns, de l’enfumage pour les autres, Etat compris, Etat surtout. Le cannabis est cultivé dans le Rif, consommé ailleurs et largement exporté, principalement en Europe. Or, le produire est interdit, l’exporter est prohibé, mais il n’empêche qu’il est (largement) fumé quasiment au vu et au su de tous.

Pour s’en persuader, il suffit juste de comparer la quantité de papier à rouler vendue dans notre riant royaume à celle du tabac à rouler écoulée. L’écart doit être monstrueux… Où va la différence ? s’il n’était pas mort, Kafka aurait eu une réponse intéressante.

Le cannabis, ou hachich, ou chit, pose problème. Sur les 50.000 hectares cultivés (le tiers d’il y a vingt ans, quand même), près d’un million de personnes (sur)vivent et quelques 40.000 types sont (mollement) recherchés par la justice. Alors de deux choses l’une : ou l’Etat éradique vraiment cette culture, et on lui souhaite sincèrement bon courage, ou il fait autre chose.

Et autre chose, c’est légaliser ou dépénaliser… Ce n’est pas exactement pareil, car dépénaliser, c’est renoncer à punir pénalement l’acte de consommer du chit et légaliser signifie donner un cadre juridique à ce même...

acte. Or, le Maroc ne punit pratiquement plus la fumette, ou alors on réduirait singulièrement l’effectif de la population en liberté… Alors pourquoi continuer de sévir contre des cultivateurs déjà paupérisés, dans un Rif qui n’a pas vraiment besoin de cela, et dans un pays qui a cruellement besoin de ressources, comme le montre l’hallucinante activité du fisc en ce moment ?…

Dans d’autres contrées, en effet, on utilise le chanvre pour faire des cordes, des briques, des semelles, des vêtements, des analgésiques, des intérieurs d’automobiles, des plastiques, des huiles… et ce sont des milliards de dollars de recettes. Dans un nombre croissant de pays, on autorise sa consommation, avec un produit actif ou THC, drastiquement (dramatiquement pour certains) réduit… dans une troisième catégorie de pays, on débat, au moins.

Au Maroc, nos politiques, certes modérément intelligents, ne font rien de tout cela. Ils se shootent à la vanité et sont en overdose d’eux-mêmes, déroulant des discours de vertu avec une mauvaise foi d'archevêque lubrique… Et pourtant, en parler, et même décider des choses frappées au coin du bon sens, sachant que d'autres l'ont fait et que nous disposons de la matière première... yes, we can…nabis !

Aziz Boucetta