De l’utilité du rapport de la Cour des Comptes sur l’OCP…

De l’utilité du rapport de la Cour des Comptes sur l’OCP…

C’était un rapport attendu que celui de la Cour des Comptes après ses récentes visites dans les installations du géant marocain, l’Office chérifien des phosphates. Mais être numéro 1 mondial dans son secteur, ce que n’a pas manqué de souligner la Cour des Comptes, implique des process et des procédures, des techniques et leur maîtrise… bien que des lacunes aient été relevées par les magistrats de Driss Jettou. Le Groupe, selon une source interne, a très favorablement accueilli ce rapport de la Cour des Comptes, et œuvre (ou continue d’œuvrer) à l’amélioration qualitative de son activité.

Dans la synthèse du document, les magistrats auditeurs s’arrêtent sur les réalisations du Groupe, ses chiffres et les innovations introduites, tant en matière de process que de programmes, de performances que d’investissements. Ils se sont surtout intéressés à la planification et à la programmation des activités minières, lavage et maintenance du matériel, et aussi aux aspects environnementaux.

Quand on a visité les sites du phosphatier, parlé à ses équipes, examiné ses process en amont et en aval, on comprend que le rapport de la Cour des Comptes n’ait pu relever que de légers dysfonctionnements, au demeurant déjà traités ou en cours de traitement. Contactée par Panorapost, une source du groupe nous a affirmé que le rapport est en phase d’étude et d’examen par les différentes équipes en vue d’apporter des réponses, des solutions et des améliorations aux lacunes répertoriées. « C’est le genre de mission nécessaire pour la bonne marche d’un groupe de l’envergure d’OCP. Le top management prend donc ce rapport avec le sérieux nécessaire et s’attelle à remédier aux lacunes relevées et implémenter les recommandations formulées », nous explique notre source.

L’environnement étant l’une des priorités du Groupe, une attention particulière a été accordée aux remarques des magistrats et à leurs recommandations en matière environnementale. Ainsi, la Cour précise que la société a lancé, en 2013, un programme d’excellence environnementale composé de plusieurs catégories d’actions, couvrant toutes les activités. Cela passe nécessairement par le traitement des vastes surfaces exploitées et aussi par la réhabilitation des terres en fin de processus d’extraction et de traitement.

Et de fait, dans l’ensemble des sites miniers et dans leurs environs, OCP Group déploie une politique environnementale résolue et active, consistant dans le lancement de la réhabilitation et de la plantation de 1.000 ha/an ; les variétés retenues d’arbres sont essentiellement l’olivier, l’arganier et le caroubiers…). Ces mille hectares correspondent à deux fois la consommation annuelle de terrains, ce qui conduit à l’objectif tracé de réhabilitation, par la plantation d’arbres, de l’ensemble des terrains exploités depuis la création d’OCP, voici un siècle déjà. La politique environnementale concerne donc l’activité présente, prévoit la future mais revient surtout sur le passé.

Mais la Cour des Comptes a pointé aussi le problème d’évacuation des boues issues des processus de lavage et de flottation du phosphate, marquée par l’accroissement des bassins utilisés (digues d’épandage) pour leur stockage ce qui est préjudiciable pour l’environnement. En réaction à ce phénomène, le Groupe s’est fixé comme objectif d’éliminer définitivement les digues d’épandage à partir de 2019, ce qui conduira à réduire la consommation d’eau à la mine de près de 20% ; et de fait, cette année sera celle du lancement des essais industriels de filtration des boues de lavage.

Par ailleurs, la Cour a constaté que la programmation des sites et gisements miniers pour exploitation future pèche par manque de détails, de précisions et de cadre de référence normalisé prévoyant la démarche, les intervenants, la périodicité, la mise en place de documents de planification. En outre,...

concernant la constitution de la réserve foncière d’exploitation, la Cour constate que pour exploiter une mine, il faut préalablement la connaître, l’avoir étudiée et aussi et surtout avoir programmé l’acquisition foncière correspondante. A défaut, c’est tout le processus de production qui serait retardé.

Or, le Groupe a lancé sa transformation digitale en 2017 et, à travers Mine Planning, œuvre à la planification multi-horizons de l’activité minière au moyen d’une plateforme unique pour l’ensemble des sites ; aujourd’hui déployée sur deux sites, la généralisation est prévue pour 2019. A titre d’exemple, à Benguerir, les réserves sont modélisées jusqu’en 2030, ce qui implique une connaissance du foncier à acquérir sur cette durée.

Concernant les programmes de production et la qualité du phosphate, la taille de l’entreprise et le volume de la demande, selon la Cour des Comptes, impose des révisions du processus de pilotage de la marge (business steering) et sa mise en adéquation permanente avec les contraintes commerciales, ce que semble comprendre et admettre la Cour. Pour la qualité du phosphate, le procédé employé est double et se décline en lavage et en flottation, mais les magistrats de Driss Jettou ont relevé un fonctionnement des laveries (ci-contre) en flux tendu, et recommandent en toute logique une meilleure planification et la mise en place de stocks de sécurité.

Et c’est en toute logique également que la Cour constate un manque d’optimisation du matériel de production, extraction, transport… Les opérations sont multiples et diverses et les engins aussi, d’où la nécessité d’un suivi informatique, pour l’optimisation et la sécurité, pour la gestion et l’efficacité. Au niveau de la maintenance du matériel et du parc d’engins, les magistrats constatent qu’une politique a été élaborée en ce sens, mais ils ont également noté certaines insuffisances en matière de maintenance préventive et de planification, avec le risque que cela impacte les performances.

Pour le matériel, le Groupe OCP a développé une solution de Fleet management pour la supervision et l’optimisation de la flotte d’engins, et cela est réalisé en temps réel. Par ailleurs, des Tours de Contrôle centralisées ont été mises en place au niveau de chaque site aux fins de superviser, et toujours en temps réel, 320 engins mobiles connectés (camions, bulldozers, draglines, etc…). Enfin, une gestion intégrée de la supply chain de la mine au port permet un pilotage de bout en bout de la performance et de la qualité.

Pour ce qui est de la maintenance, une précédente visite de Panorapost dans les installations OCP avait montré que la digitalisation de cette maintenance était très bien avancée, et qu’elle devait être achevée en 2019, avec la finalisation du développement d’algorithmes de prédiction des pannes, procédés fonctionnant au moyen de l’intelligence artificielle. La Cour l’admet d’ailleurs puisque son rapport mentionne explicitement que sur 85,6 milliards de DH d’investissement industriel lancé entre 2008 et 2016, 14, 3 milliards ont été consacrés à l’investissement de maintien.

Le Groupe OCP, conscient de l’importance de son activité et de son rôle moteur dans l’économie du pays a, comme le remarque la Cour des Comptes, doublé sa part d’engrais sur le marché mondial, la portant de 11 à 22%. Ce sont donc près de 50 milliards de DH de chiffre d’affaires en 2017 et un résultat bet de 4,6 milliards de DH. Cela crée des obligations, même si des manquements ou des failles peuvent subsister. D’où le rôle de la Cour des Comptes, dont les rapports ne sauraient être efficients que s’ils sont suivis… ce que semble faire le Groupe OCP.

Aziz Boucetta