(Billet 48) - Douce France, belle Espagne…

(Billet 48) - Douce France, belle Espagne…

« Ami, entends-tu le bruit sourd des flashballs, sur nos têtes ? Ami, entends-tu ces pleurs lourds du pays qu'on déchaîne ? ». Entre coups assénés et contre-coups mal assumés, c’est une France qu’on ne connaît pas qui se livre à nos yeux. « No pasaran », disaient nos amis Espagnols aux franquistes en 1936, « no pasaran » disent les juges aux Catalans qui ont mis la barre haute pour simplement négocier une plus grande autonomie… Aujourd’hui, en Espagne, c’est une justice à double vitesse et en France, une police sous stress.

France et Espagne sont nos amies, nos partenaires centenaires et souvent exemplaires. Français et Espagnols sont même les « étrangers » que nous connaissons, et apprécions, le plus au Maroc, en dehors des Saoudiens, mais cela est une autre affaire, à géométrie variable… mais déguster le désaveu des magistrats espagnols par leurs homologues allemands et belges est un plaisir pour fin gourmet… et entendre l’ONU admonester la France comme une vulgaire république bananière pour violences excessives, c’est inédit.

Le porte-parole du gouvernement français s’en est plaint, fixant de ses deux yeux les caméras, rappelant qu’il n’y a pas de morts. Il est vrai qu’en France, on se contente d’éborgner et de lancer des grenades au TNT sur les manifestants… avec une justice très opportunément aveugle.

Douce France, terre du gargantuesque Rabelais, de la légende de...

tout un siècle Victor Hugo, du maître des Mots Jean-Paul Sartre, de la si bonne Veil et du compagnon Charles, que t’arrive-t-il ? Tu es connue et reconnue, aimée, souvent enviée, pour les droits et les Lumières, pour ton passé prestigieux, y compris colonial, pour tes positions quelquefois hardies sur la scène internationale…

Belle Espagne, terre d’accueil de Christophe Colomb et de découverte des Amériques (que nous avons été, nous autres Marocains, comme chacun sait, les premiers à reconnaître plus tard…), patrie du donquichotien Cervantès, temple de la foi et du strict respect des lois, où sont ces principes de justice qui font ta grandeur depuis un demi-siècle, toi qui refuses encore d’évoquer même le franquisme ?

Un rééquilibrage des valeurs et des jugements de ces mêmes valeurs est de mise, à la lumière des comportements des forces de l’ordre au sud de la Méditerranée… d’al Hoceima à Annaba, de Rabat à Ouargla, de Constantine à Kasserine, les gens manifestent, revendiquent, clament, réclament et déclament, dans le calme… puis rentrent chez eux. Oh certes, les justices ne sont pas encore tout à fait au point en nos contrées, mais il faut quand même reconnaître les nettes avancées en matière de droits et ces tout aussi nets reculs au chapitre de la répression, et inversement au nord de la Méditerranée.

Aziz Boucetta