Zoom n°4: Franc CFA, la fin imminente de la relique coloniale

Zoom n°4: Franc CFA, la fin imminente de la relique coloniale

Au moment où l’Afrique réclame la restitution de ses œuvres d’arts volés par la France pendant la colonisation, elle réclame en même temps la fin de la main mise par cette même France de son économie à travers un vestige coloniale appelé « franc CFA ».

  « Nous devons avoir le courage de dire qu'il existe un obstacle empêchant le développement du développement en Afrique. », a déclaré le 11 août 2015, le président Idriss Deby, lors de la célébration du 55e anniversaire de l'indépendance du Tchad. L’«obstacle» auquel il faisait référence a maintenant plus de 71 ans. Il est connu sous l'acronyme «franc CFA».

Cette déclaration du président Deby vient relancer avec acuité le débat du franc CFA, qui cette fois-ci, a pris une dimension presque de révolte auprès de la nouvelle génération et d’une certaine élite africaine. De l’autre côté, les présidents ivoiriens et sénégalais, à travers des sorties vivement décriées, ont tous les deux soutenu le franc CFA dit « monnaie coloniale ».

Pour rappel, un récent rapport sur l’utilisation du Franc CFA fait par Dominique Strauss Kahn -devenu consultant auprès de certains chefs d’Etats africain- avait révélé que le franc CFA est « une monnaie solide qui garantit non seulement le développement de l’Afrique, mais et surtout sa stabilité ». Dans sa thèse, M. Strauss Kahn soutient que la zone CFA offre une faible inflation et un taux de change stable, ce qui devrait encourager le commerce et les investissements étrangers.

Les partisans de la CFA soutiennent que le CFA contribue à maintenir la stabilité financière dans la zone, soulignant des facteurs tels que des taux d'intérêt bas, un taux de change stable, une inflation faible et une intégration régionale plus avancée. Cependant, un examen plus attentif suggère que ces avantages sont plus illusoires que réels.

En ayant un taux de change fixe et en permettant la libre circulation des capitaux dans la zone, les taux d’intérêt dans les pays CFA sont restés relativement bas, oscillant historiquement entre 1% et 5%, contre le double de ce qu’il y’a dans les pays voisins comme le Ghana et le Nigeria, ont déclaré des universitaires partisans du CFA.

Les défenseurs du CFA

Les présidents Ivoirien et Sénégalais, vrais défenseurs de la Franceafrique ont tous les deux, réaffirmés leur soutien au franc CFA.

« Le franc CFA est notre monnaie, c’est la monnaie de pays qui l’ont librement choisi, depuis l’indépendance dans les années 60 », a déclaré Alassane Ouattara. « Elle est solide, elle est appréciée, elle est bien gérée », a-t-il ajouté.

« Nous sommes très, très heureux d’avoir cette monnaie qui est stabilisante », a-t-il assuré, en précisant que des réformes la concernant seraient faites « le temps opportun ».

 «La monnaie CFA a des avantages. Elle a peut-être aussi des inconvénients, mais peut-on tout de suite la jeter et engager une aventure ? Je ne sais pas.», explique Macky Sall.

«Nous avons une institution forte et crédible, poursuit-il. Et il ne faut pas la déstabiliser, car, quoi que l'on dise, le franc CFA est une monnaie stable. Cela dit, si on arrive à nous prouver, sans considération politicienne, de lutte anticoloniale par exemple, qu'il faut choisir une autre voie, nous sommes assez autonomes et responsables pour l'emprunter. Pour le moment, j'aimerais...

qu'on nous éclaire davantage. En attendant, je dis que le franc CFA est une bonne monnaie à garder», persiste et signe le président Macky Sall.

Franc CFA, une relique coloniale

L'utilisation du franc CFA est critiqué comme étant qu'instrument du néo-colonialisme qui a laissé des pays sans contrôle de leur propre monnaie. Ainsi, le président tchadien Idriss Déby a appelé à une restructuration du franc CFA lors de la célébration de l'indépendance du pays en 2017 :« Nous devons avoir le courage de dire qu'il existe un obstacle empêchant le développement du développement en Afrique. », a-t-il déclaré.

 D'autres personnalités ont fait écho de leur propos. Le Vice-Premier ministre italien, Luigi Di Maio, a lui ajouté une nouvelle tournure à ce débat. Il a accusé les politiques françaises qui appauvrissent les pays africains d’être à la racine de la crise migratoire actuelle en Europe. Mettant l'accent sur le franc CFA, il a déclaré que « cette monnaie sert à financer la dette publique de la France et affaiblit les économies des pays d'origine des migrants ».

Cette dernière remarque, destinée à un grand dirigeant européen et principalement sur les réseaux sociaux et les plateformes audiovisuelles, a suscité une nouvelle vague de commentaires sur le rôle du gouvernement français dans les nombreuses crises, la pauvreté persistante et le sous-développement de l'Afrique. Une partie de la discussion a porté sur des accords de coopération militaire et économique inéquitables, notamment le soutien de la France aux dictateurs répressifs postcoloniaux qui protègent ses intérêts économiques sur le continent et servent à élargir la sphère d'influence géopolitique de la France. Le franc CFA a joué un rôle central dans le maintien de cette sphère d’influence et est généralement colporté comme l’affiche de la turpitude coloniale française. Au-delà de la ferveur panafricaine et des instincts anticoloniaux qui animent en grande partie ce débat, jetons un regard critique sur le franc CFA.

De nombreux analystes considèrent ces accords comme un anachronisme financier, soulignant le fait qu’ils permettent à la France de contrôler de manière débridée la politique monétaire de 14 États souverains. En déposant de telles proportions énormes de leurs réserves de change sur un compte géré au nom de la France, les pays membres ne peuvent pas utiliser de telles ressources comme garantie pour obtenir du crédit. En outre, avec des représentants français au conseil des deux banques centrales CFA, ces conseils reposent sur l'approbation française des outils de base de la politique monétaire, tels que la détermination des taux d'intérêt ou le contrôle de la masse monétaire; abandonnant ainsi la gestion de leurs monnaies et, par ce biais, leur économie en grande partie aux mains des Français.

Sujet tabou soulevé seulement par une poignée d’intellectuels et de politiciens africains, le débat sur le franc CFA commence à faire l’objet d’un débat quotidien et à attirer l’attention des militants. Un mouvement social se développe pour exiger le retrait conjoint des nations africaines du franc CFA. Les mobilisations ont varié en taille selon les pays, réunissent des intellectuels, des activistes panafricanistes et anti-mondialisation, etc. SOS Pan-Africa a depuis lancé un appel symbolique aux Africains pour qu'ils boycottent les produits français.

Avec la fin du franc CFA, l’Afrique aura fini de forcer la décolonisation.

Mouhamet Ndiongue