(Billet 39) – Entre presse et paresse, le difficile équilibre…

(Billet 39) – Entre presse et paresse, le difficile équilibre…

On a parfois le sentiment que le porte-parole du gouvernement Mustapha el Khalfi, vit dans un livre, ou dans un film… Il faisait presque plaisir à voir alors qu’il exposait ce jeudi 21 février la petite histoire du grand décret sur le soutien à la presse, aux médias en général… Il a soliloqué, très heureux, sur le droit à l’information, la gouvernance, la transparence et même l’égalité des chances. Tout est décidément beau dans le plus beau pays du monde, sauf que…

… pour avoir des médias, il faut des lecteurs. Cela semble évident, mais chez nous, au Maroc, cela ne l’est pas. Des dizaines de titres, hebdo, quotidien, mensuel, thématique ou non, politique et parfois pathétique… mais tout ce beau monde ne totalise que 250.000 lecteurs par jour, dont une grosse partie préfère le gratos ! Restent les médias électroniques… Des centaines de sites coulant dans le naufrage des « ismes », entre catastrophisme, nihilisme, voyeurisme et surtout sensationnalisme. La déontologie devient alors une option ! Et c’est le problème n°1.

Problème n°2… comment (sur)vit une entreprise de presse ? Avec la vente et la pub. Il n’y a pas de ventes car le tirage quotidien national équivaut à 1% de la population, et le total des lecteurs est (bien) en deçà. Quant à la pub, elle est en souffrance pour cause d’annonceurs frileux et...

d’intermédiaires souvent crapuleux, tous définitivement charmés par les Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple, et autres géants…).

Résultat, avec des ventes confidentielles et des pubs résiduelles, le secteur se meurt. Or, que fait-on quand un patient agonise ? On le place sous perfusion. Et c’est le cas aujourd’hui. L’Etat met à la main à la poche... De 50 millions de DH, le biberon public est passé à 80 millions, et on cogite déjà sur un « fonds de lecture » et une astuce qui le transformera en cathéter à perfusion de plusieurs centaines de millions de DH. Las !...

Avec les réseaux sociaux – encore eux ! – les gens recherchent le sensationnalisme, qui privilégie la paresse à la presse, le faux à l’info. On lit moins, mais on regarde plus, et à l’œil ! Le public ne veut plus s’informer, mais s’indigner, se révolter, et la tendance est mondiale. Ce que voyant, le capital intervient, et rafle la mise, tordant le cou à la pertinence. Et à l’indépendance.

M. el Khalfi et ses pairs grands de ce monde peuvent continuer de vivre dans une logique à la Mary Poppins, c’est leur droit, mais le patient est en train de partir, cédant la place aux réseaux et leurs cortèges de fake news et d’attaques. Vous avez aimé le boycott 2018 ?, vous adorerez les élections 2021 !

Aziz Boucetta