(Billet 38) - Il y a huit ans, le vain février…

(Billet 38) - Il y a huit ans, le vain février…

Il est des moments où, dans la marche des nations, les peuples s’énervent… et quand ils s’énervent, ils s’excitent, s’ébrouent, et font tomber ce qu’ils ont sur le dos. En 2011, les peuples arabes, depuis longtemps courbés sous le joug de leurs caudillos, ont fini par en ressentir des courbatures, et se sont brutalement redressés. C’était le printemps arabe… et chez nous aussi, dans le royaume paisible et heureux où rien ne se passe.

… Mais chez nous, pas de tirs et pas de morts, pas d’exigence de départ du chef de l’Etat et, au contraire, un roi qui réagit avec intelligence. Chez nous, le printemps arabe n’a pas fonctionné comme chez les autres, même s’il a permis de changer beaucoup de choses, toutes choses étant perfectibles comme toujours... Pourquoi ? La première explication qui vient à l’esprit est que c’est parce que nous ne sommes pas arabes. Les puristes de la culture et de la langue arabes grimperont certes aux rideaux, mais telle est la réalité : nous sommes un syncrétisme complexe de plusieurs confluences, où l’arabité est certes première et prégnante, mais pas unique, loin s’en faut. Rien dans notre constitution, contrairement par exemple aux cas algérien et tunisien, ne mentionne explicitement que nous sommes un pays (ou Etat) arabe. Il est donc naturel que...

nous ne réagissions pas comme des Arabes.

Les Arabes, ainsi donc, en 2011, avaient tous voulu bouleverser leurs régimes et renverser leurs régents. Rien de tel sous nos cieux… au Maroc, c’était une évolution, pas une révolution. On connaît la suite : les changements ont eu lieu sur le texte, mais ont tardé, et tardent toujours, à se matérialiser (réellement) sur le terrain. Et c’est normal, car une révolution est un bouleversement immédiat et global alors qu’une évolution est une chose qui demande, par essence, du temps…

… mais aussi un personnel politique digne de ce nom et une société engagée et non enragée, militante et non insultante, entraînée par les sirènes populistes elles-mêmes portées par les réseaux sociaux. Le 20 février réclamait de la démocratie, mais le populisme et sa facilité en ont fait plus tard un vain février, puisque nous risquons de sauter la phase « démocratie » pour plonger directement dans la case « populisme » fielleux ou « dirhamisme » mielleux.

C’est à cette aune que nous devons analyser notre réalité marocaine afin d’en appréhender son avenir, et non s’accrocher au 20 février d’inspiration arabe ou copier-coller les modèles latins-occidentaux… car nous ne sommes pas plus arabes que latins-occidentaux. C’est entre les deux qu’il faut trouver notre modèle et c’est dans notre histoire qu’il le faut chercher…

Aziz Boucetta