(Billet 34) - Et alors, on en est où avec Ryad (et Abu Dhabi) ?

(Billet 34) - Et alors, on en est où avec Ryad (et Abu Dhabi) ?

Tout est rose et en symbiose entre les Marocains et les très attachants Saoudiens (et accessoirement les Emiratis), nous assure notre très discret ministre des AE… Voilà, rompez le ban, circulez, rien à voir ; il faut juste croire ! M. Bourita joue son rôle, alors qu’il nous pardonne d’être dans le nôtre aussi. Il a parlé et dit ce qu’il veut ; nous avons entendu et croirons ce qu’on pense.

Dans la forme, d’abord, pas de démenti cinglant et indigné sur la « crise » entre les deux parties, juste une réponse électrique à une question posée à la volée lors de la conférence de presse avec le ministre des AE espagnol, présent sous nos cieux pour affaire le concernant. En outre, à aucun moment, M. Bourita n’a prononcé les mots « pays frère », collant pourtant comme une poussière à l’Arabie saoudite et aux EAU chaque fois qu’on les évoque ici.

Sur le fonds, le chef diplomate nous explique gentiment que le Maroc, si pointilleux sur les us diplomatiques, communique quand il rappelle un ambassadeur pour consultation. A dire vrai, c’est faux ; Rabat n’informe pas toujours, car Rabat adopte la diplomatie du silence depuis toujours. Le ministre reconnaît ensuite que les deux ambassadeurs étaient bien au Maroc, pour quelques jours, mais qu’ils sont repartis à leurs capitales, l’âme en paix. Amen, même un chercheur de poux n’y trouverait rien à redire. Et enfin, il nous dit que dans le Golfe, « certaines choses...

se faisaient et ne se font plus et inversement », et que les diplomates étaient là juste pour information, analyse et préparation… Lol, diraient les jeunes, et pourtant M. Bourita est un garçon qui a rarement fait se tordre de rire une assistance.

Alors creusons chouiya… on le sait, au Maroc, comme ailleurs, le chef de l’Etat et ses hommes font tout et le ministre des AE le reste, « décidant » bien plus en exécution de ce que disent ses patrons qu’en application de ce que suggèrent ses diplomates… surtout quand « certaines choses se faisaient et ne se font plus et inversement ». Florilège des « choses »… Rabat ne suit pas Ryad pour le Qatar, et Ryad agit contre Rabat à la FIFA ; Salmane boude Tanger en été, et Mohammed VI ne reçoit pas le problématique MBS en décembre… Rabat « change » sa politique au Yémen et Ryad coupe la pompe à fric et balance sur sa télé un reportage fielleux sur le Sahara…

Bon, de deux choses l’une… Ou notre diplomatie est passive et stupide, ou elle « prépare » quelque chose, dans la discrétion et la subtilité diplomatiques qu’on lui connaît. On croit à la seconde option. Courteline disait que « pour le diplomate, le dernier mot de l’astuce est de dire la vérité quand on croit qu’il ne la dit pas, et de ne la pas dire quand on croit qu’il la dit ». M. Bourita a lu Courteline, ou devrait…

Aziz Boucetta