(Billet 33) - Puisqu’un Grand d’Espagne est là…

(Billet 33) - Puisqu’un Grand d’Espagne est là…

Le roi et la reine d’Espagne sont sur nos terres, et ils sont les bienvenus. Réellement et sincèrement. La venue au Maroc d’un roi d’Espagne ou d’un président français est toujours particulière, avec cependant un petit chouiya de plus pour le monarque espagnol… D’abord, parce que c’est un souverain qui vient en rencontrer un autre, cela crée des liens… et ensuite quelle qu’ait été l’ancienneté des relations entre le Maroc et la France, celles nous liant à l’Espagne sont bien plus lointaines. Alors les Espagnols sont chez eux, chez nous… même si l’inverse n’est pas nécessairement vrai.

Don Felipe VI et doña Letizia sont donc en visite d’Etat au Maroc. Tout le monde est content et Mohammed VI a sorti la grande makhzania des grandes occasions, gouvernement au garde-à-vous et protocole déployé de bout en bout. Les deux rois se connaissent depuis qu’ils étaient les héritiers de leurs pères respectifs, Hassan II et Juan Carlos, par ailleurs grands amis devant l’Eternel. Sur le plan économique, les liens et échanges sont excellents, grâce à Dieu. Tout cela est fort plaisant, mais la qualité des relations n’occulte pas pour autant certaines utiles suggestions.

Ainsi du Rif, par exemple… En 1925, l’aviation espagnole avait généreusement arrosé les populations civiles de gaz moutarde. L’Espagne n’a jamais reconnu cela officiellement, et officiellement le Maroc n’a jamais demandé...

d’excuses. Et pourtant, le cancer prospère au Nord, et une coopération oncologique espagnole ne serait pas de refus … même sans que Madrid reconnaître les faits. Notre ministère un peu aux abois a certes bien les moyens de le faire, seulement voilà, il s’en fiche, alors un petit mot, peut-être, de don Felipe… Pour se donner de l’entrain, il n’aura qu’à se souvenir de la marée noire galicienne en 2002 et du très élégant geste de Mohammed VI alors…

Et puis, le Sahara… La décolonisation ayant été, pour moult raisons, fort mal gérée par Madrid et Rabat dans les années 50, notons que l’UE, elle, vient de reconnaître de facto et de jure la marocanité des provinces du Sud. Pourquoi l’Espagne ne ferait-elle pas de même, hardiment, unilatéralement, en clarifiant certains aspects historiques de sa présence au Sahara, qui était un protectorat et qui devait, en tant que tel et en l’état, être restitué au Maroc ? Don Felipe pourrait, par exemple, y travailler, dopé par sa souffrance catalane… Pour le cas (très) particulier de Sebta et Melilla, on verra plus tard.

Bien que son pouvoir soit plutôt étroit, le roi d’Espagne pourrait une fois à la maison faire une ou deux suggestions empreintes de bon sens à son gouvernement, quand il en aura un plutôt stable. D’ici là, Bienvenida, Majestad.

Aziz Boucetta