Entre Rabat et Ryad, rien ne va plus…

Entre Rabat et Ryad, rien ne va plus…

Cela fait plusieurs mois que le torchon brûle entre l’Arabie saoudite et le Maroc. Cela fait plusieurs mois que les rumeurs succèdent aux rumeurs et que les infos manquent, ou tombent au compte-goutte. Mais aujourd’hui, l’ambassadeur du Maroc à Ryad aurait été rappelé pour consultation, selon Associated Press…

Sur al Jazeera, le ministre Nasser Bourita avait indiqué en janvier que la relation avec la coalition arabe au Yémen avait changé. On sait, en revanche, mais d’une manière officieuse, que le Maroc avait retiré son armée depuis plusieurs mois du Yémen. Selon une source militaire, Rabat avait commencé à s’interroger en 2016, après qu’un chasseur des FRA eut été abattu par les Houthis. Puis le Maroc avait décidé de retirer, discrètement, ses troupes placées sous commandement émirati.

Par la suite, et après la grave crise diplomatique de juin 2017 dans le Golfe, quand le prince héritier Mohamed Ben Salmane avait brutalement rompu les relations avec le Qatar, le roi Mohammed VI avait décidé d’envoyer des avions d’aide humanitaire à l’émirat, puis s’était rendu à Doha. MBS avait peu apprécié, et connaissant son caractère sanguin, ce qui devait suivre était rude.

Ainsi du Mondial 2026, où le conseiller-factotum du prince, Turki al-Sheikh, avait durement attaqué le Maroc, avant de faire candidature sonnante et trébuchante en faveur du trio nord-américain. Il ne s’était pas arrêté en si bon chemin, laissant libre cours à sa rancœur contre Rabat sur les réseaux. On connaît le résultat, et la suite. Le Maroc n’avait que peu apprécié le comportement du « frère » saoudien, et dans la foulée, le roi Salmane avait annulé son habituelle villégiature à Tanger, courant été 2018.

Puis il y a eu l’assassinat tragi-comique de Jamal Khashoggi en octobre, à Istanbul. Le Maroc s’est placé en observateur, mais avait décliné la proposition de recevoir MBS, qui devait faire sa grande tournée internationale après la...

crise qui avait failli l’emporter. A ce sujet, Nasser Bourita a raconté à al Jazeera, que « les visites officielles répondent à des impératifs de protocole ». Le roi Mohammed VI aurait fait répondre à la demande d’audience de MBS que son « agenda » ne le lui permettait guère.

Suite à cela, il y eut l’intervention de M. Bourita sur al Jazeera, dans la forme (aller à la télé ennemie des Saoud) et dans le fonds (Yémen, refus d’audience MBS par Mohammed VI) … Cela a conduit à l’émission sur al-Arabiya, chaîne de Ryad, sur le Sahara, le Polisario… et toutes les gracieusetés dites sur le Maroc, prenant le total contre-pied de l’engagement ferme des Saoudiens en faveur du Maroc pour ce dossier, en 2016.

Sur le plan économique, il faut revenir sur trois événements d’importance… Alors que Ryad avait promis de verser de 2013 à 2017 la somme de 1,25 milliard de dollars (elle en est à environ 60%, contrairement au Koweït et au Qatar qui, eux, ont tout versé, et aux Emirats Arabe Unis qui sont à presque la totalité de leur engagement). Par ailleurs, le conseil d’affaires maroco-saoudien ne s’est pas formellement réuni depuis près de deux ans, éloignant d’autant le projet de création d’une ligne maritime reliant les deux pays. Enfin, les déboires survenus en juin 2018 à l’OCP, dont les engrais avaient été déclarés non conformes au Kenya, relèvent également de l’agressivité et l’animosité saoudiennes, Ryad considérant que l’Afrique de l’est est sa chasse gardée et que le Maroc ne doit pas y être présent.

Résultat : Excédé, et on le serait à moins, Rabat aurait rappelé son ambassadeur Mustapha Mansouri pour consultations… « aurait » car notre ministère reste muet. Il ne confirme ni n’infirme, et encore moins informe, sur la nature des relations avec une Arabie saoudite qui n’est pas n’importe quel pays pour le Maroc.

Aziz Boucetta