(Billet 25) - Le testament politique de M. Benkirane …

(Billet 25) - Le testament politique de M. Benkirane …

Il est décidément attachant, Abdelilah Benkirane… L’ancien chef du gouvernement et du PJD a donné une conférence de presse face à des journalistes « amis », tel qu’il les a définis. 2h20’ (après montage et démontage) de retour sur son passé et sa gloire... Tour à tour féroce, rigolard et surtout nostalgique de sa splendeur, il a ouvert sa boîte à gifles contre tous, hormis Dieu, la patrie et le roi pour lequel il se montre dévasté d’amour.

De ces 150 minutes, relativement peu visionnées, se dégage une extraordinaire amertume ; deux heures et demi de monologue à sa propre gloire qu’il croit et craint éteinte, rien n’étant plus terrible que l’oubli. Abdelilah Benkirane est un homme meurtri, et malgré sa posture d’éternel énervé, le ton n’y est plus, le narcissisme ayant pris le dessus, comme le montrent ces très nombreuses fois où il parle de lui à la 3ème personne, déroulant ses réalisations… que personne ne conteste d’ailleurs car elles sont réelles (retraites, pensions, veuves, compensation…).

Mais toute chose a une fin, et M. Benkirane refuse de se rendre à cette philosophie de vie. Un temps résigné pourtant, il avait entamé une longue et difficile période de sevrage. Il faut croire qu’elle fut très douloureuse à vivre, puis impossible à tenir, car il a annoncé urbi et...

orbi qu’il « revenait en politique ». Pas pour être chef de quelque chose, mais pour dé-non-cer.

C’est fort regrettable car l’homme montre finalement qu’il manque cruellement de sens éthique et d’élégance politique. Une coutume universelle veut en effet que quand un leader fait son temps, il enfile ses pantoufles, et campe la position du sage, conseille, écrit, commente, mais jamais en public, par égard pour ses successeurs. Sauf quand l’ego s’en vient et que l’entendement s’en va.

Abdelilah Benkirane a lourdement insisté sur son intégrité, feignant d’ignorer que celle-ci est la norme et non une faveur. Il n’a pourtant parlé de sa pension de retraite que quand elle a été révélée. C’est son droit, et il la mérite, mais pourquoi ne pas l’avoir évoquée avant ? Intégrité de circonstance ou sens de la contre-attaque ?

Pas un mot sur la marche de l’Etat ni sur les marches ici et là, seuls ses maux et sa démarche comptent à ses yeux. Entre les « je », les « moi » et les « il » (lui-même), il n’a pas su être subtil. Parfois éprouvant, souvent émouvant, par moments pathétique, il a montré le visage d’un vieil homme rongé par son passé certes prestigieux mais définitivement révolu.

Au final, Abdelilah Benkirane voulait délivrer un discours programme… cela a ressemblé à un testament politique. A son insu.

Aziz Boucetta