Mjid El Guerrab : « Dire que je voudrais porter atteinte à l’intégrité territoriale du Maroc est une insulte à mon égard »

Mjid El Guerrab : « Dire que je voudrais porter atteinte à l’intégrité territoriale du Maroc est une insulte à mon égard »

De l'art de faire des tempêtes dans des verres d'eau... C'est la mésaventure du député français Mjid El Guerrab, élu des Français au Maghreb et en Afrique de l'Ouest aux législatives de juin 2017. Dans le cadre de ses visites dans les pays où résident ses électeurs, il avait, la semaine dernière, publié un agenda de sa tournée au Maroc, qui devait le conduire dans toutes les villes du nord du pays ; en illustration, une carte du royaume qui s'arrête à Agadir... On imagine l'effet sur les gens au Maroc ! Mjid El Guerrab a très vite réagi, corrigeant la carte et en publiant une autre, complète, avec ses excuses en prime pour ce qui n'est qu'une méprise. Voilà. Fin de l'histoire.

Ainsi, et à moins que l'on prenne le parti d'imputer à ce franco-marocain assumé une mauvaise foi inégalable, très peu de sens politique et une absence totale d'attachement pour son pays d'origine et de cœur (comme il l'explique ici), on pourrait alors affirmer qu'il ait volontairement publié cette carte du Maroc sans son Sahara, parce que telle serait sa conviction. On conviendra qu'il y a beaucoup de "si" dans cette hypothèse...

De l'art, donc, des uns et des autres de faire des tempêtes dans des dés à coudre... Dans cet entretien, Mjid El Guerrab répond à nos questions, avec un accent de sincérité et d'indignation suite aux accusations dont il a fait l'objet.

1. Pourquoi avoir publié cette carte du Maroc sans le Sahara ?

C’est faux ! Je n’ai jamais publié de « carte du Maroc sans le Sahara », il s’agissait seulement d’un croquis concernant mes déplacements au Maroc (ci-contre). Néanmoins, je tiens à présenter mes excuses les plus plates à tous les Marocains et les Marocaines qui ont pu penser cela. Je suis moi-même marocain et français. Celles et ceux qui affirment cela me blessent et c'est absolument diffamatoire ! C’est une pure manipulation politicienne.

Comme je vous le disais, il ne s’agissait aucunement d’une carte du Maroc mais simplement du croquis du circuit que je vais emprunter à partir de jeudi 17 janvier pour engager une tournée parlementaire sur ma circonscription dont le Maroc est le principal pays en nombre de ressortissants français. Le Maroc, c’est plus de 55.000 Français inscrits dans les consulats français. Il y a également beaucoup de binationaux marocains, près de 60%, et la réaction de mes amis, suite au mail envoyé par mon secrétariat m’a fait réagir immédiatement, même si je suis actuellement en Guinée Conakry. Dans les minutes suivantes, nous avons posté une carte avec le Maroc dans son intégralité pour qu’il n’y ait pas de confusion (ci-dessous).

2. En votre qualité de député français, mais d'origine marocaine, vous êtes membre du groupe d'amitié France-Algérie... ne pensez-vous que cela crée précisément une confusion et montre un parti pris ?

/>Je suis membre du groupe d’amitié France-Algérie au même titre que du groupe France-Maroc et ainsi que vous pouvez le voir sur le site de l’Assemblée Nationale, je suis aussi membre des groupes des 15 autres pays qui composent ma circonscription. Être membre des groupes d’amitiés de l’un des pays de ma circonscription ne signifie rien d’autre que participer à la diplomatie parlementaire française, aux échanges et à la vie de ces groupes. Et cela n’enlève rien à ma marocanité, car comme vous devez le savoir, je suis binational marocain également. Dire ou insinuer que je voudrais porter atteinte à l’intégrité territoriale marocaine est en quelque sorte une insulte à mon égard. A l’égard de mon histoire et de celle de ma famille aussi… Cela m’a profondément blessé. Depuis que je suis enfant, je passe tous mes étés avec mes parents à Aït Ishaq, je m’engage dans les montagnes berbères du Moyen-Atlas depuis 2008 et même si nous avons grandi en France avec ma famille, je ne laisserai personne douter de mon amour profond pour mon pays, le Maroc. Mon attachement sincère à la culture qu’on m’a inculquée. Je suis d’ailleurs amazighophone et j’essaie d’enseigner cette langue à mes enfants. Ils sont venus passés 2 mois cet été au Maroc pour voir leur famille et apprendre l’amazigh.

3. Avez-vous pris position dans ce conflit entre Alger et Rabat concernant le Sahara marocain ?

Il y a 16 pays dans ma circonscription qui regroupe le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest. Être député des Français de l’étranger m’oblige à un droit de réserve et mes positions internationales sont calquées sur celles de la France. Concernant le Sahara marocain, cette position me convient parfaitement. Reprenez toutes mes déclarations depuis 2 ans, et trouvez une quelconque prise de position qui toucherait à l’intégrité territoriale du Maroc. J’ai également une histoire, une famille, des amis, des liens personnels avec le Maroc, qui dépassent le cadre de ma fonction de député. Je suis fier d’être Marocain. Et connaissez-vous un seul Marocain qui contesterait la marocanité du Sahara ? Bref, je n’ai pas vocation à affirmer mes positions personnelles publiquement. Je le fais en famille et avec mes amis.

Sur le plan diplomatique, mon objectif, comme pour tous les peuples du Maghreb, est la création d’un grande entité régionale intégrée. Depuis 2016, je milite pour la création d’une Communauté méditerranéenne des Energies renouvelables, une CEMER fondatrice, comme la CECA avait autrefois jeté les bases de l’Union Européenne. Je crois que le récent discours de Sa Majesté le Roi du Maroc va également dans ce sens. Le Maghreb ne peut plus être la zone du monde la moins intégrée. Pour les peuples du Maghreb, pour l’Afrique, pour le développement de l’Afrique, – j’ai évoqué le sujet lors d’une audience hier à Conakry avec le Président Alpha Condé, ancien Président de l’Union Afrique –, le seul horizon pour notre continent, c’est de construire ensemble.

Propos recueillis par Aziz Boucetta