(Billet 11) - Gouvernement : courage, fuyons !
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- 15 janvier 2019 --
- Opinions
En politique, c’est bien parfois de battre en retraite, mais si on le fait sans battre sa coulpe aussi, c’est mieux. De nos jours, un gouvernement qui prend une (des) décision(s) impopulaire(s) doit vite se raviser, au risque de voir la population s’opposer et le pays s’embraser. Mais reculer n’est pas aussi aisé ; il faut le faire de manière convaincante et en ordre serré. A défaut, on en paie le prix.
Le gouvernement Elotmani peine à s’installer vraiment comme Exécutif, et souffre de cette étiquette collante d’exécutant. Son chef dispose pourtant de plusieurs atouts personnels et politiques. Hélas… en quelques jours, et par deux fois, il aura reflué en désordre.
Voici quelques jours, en effet, les rares Marocains qui s’intéressent encore à la politique apprennent que le Dialogue social sera désormais conduit au ministère de l’Intérieur, par le ministre de l’Intérieur. Est-ce à dire que les syndicats ne veulent plus palabrer avec M. Elotmani ? Cela en a tout l’air, malgré les dénégations désespérées de Mustapha el Khalfi qui claironne urbi et orbi que l’initiative de déléguer à M. Laftit vient du chef du gouvernement, que celui-ci a encore la main, et que tous gardent encore, grâce à Dieu, espoir.
Soit, mais s'il advient que les
syndicats applaudissent, heureux, aux « recommandations » de M. Laftit, il y aura un vague remugle du concept qu’on pensait suranné de « mère des ministères », ou l’histoire ancienne qui revient. Avec certes moins de cravache, mais avec aussi moins de panache.
Et puis les commerçants… Le gouvernement a prévu une disposition fiscale pour la numérisation des factures. Tollé immédiat, gens dans les rues, réseaux sociaux animés… On appelle à la grève générale en bas, et c’est le sauve-qui-peut général en haut. Puis les deux têtes de l’exécutif donnent de la voix. Le bon docteur Elotmani, le sourire éternel, se montre apaisant, assure et rassure… Aziz Akhannouch désavoue aussi vertement qu’ouvertement ses deux ministres des Finances, d’hier et d’aujourd’hui, qui ne se sont concertés avec personne. Ah, le petit personnel technocratique, certes bienpensant mais souvent offensant, voire oppressant…
Alors on recule… La pratique est courageuse à court terme, avantageuse à moyen terme, mais sur la durée, elle peut être périlleuse. Les peuples, aujourd’hui, ont pris la singulière mauvaise habitude d’exprimer leur mécontentement par tous moyens. Et nous autres, Marocains, ne sommes pas immunisés face à ces contestations sociales, colériques et numériques.
Si nos partis politiques pouvaient désormais réfléchir avec des logiciels 2019, ce serait heureux, et salvateur.
Aziz Boucetta