Le Maroc est consterné, mais il ne doit pas douter, par Aziz Boucetta
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- 20 décembre 2018 --
- Opinions
Nous y sommes… après plusieurs années, et depuis avril 2011 et l’attentat d’Argana à Marrakech, le Maroc est à son tour touché par la folie criminelle du terrorisme aveugle et (forcément) imbécile. Deux jeunes Scandinaves, venues en paix au royaume pour s’y adonner à leurs sports préférés, ont été assassinées par un groupe d’hommes qui ont mis en scène leur abjection. La piste terroriste est établie. Eléments de réflexion…
1/ Malgré une police et des services de renseignement et de lutte antiterroriste particulièrement efficaces, la terreur a réussi à frapper. Il fallait s’attendre un jour à ce que cela se produise. La meilleure police du monde ne peut ni tout surveiller et ni être omnipotente. De tels actes, commis autrement, par d’autres, sous d’autres cieux, ont secoué l’ensemble des contrées méditerranéennes, et même ailleurs. Le Maroc se sentait à l’abri, il était juste en sursis, et un peu plus, un peu mieux, protégé qu’ailleurs. Il doit rester confiant.
2/ On retiendra de cet attentat qu’il a été perpétré par des loups solitaires agissant en meute, sans liens connus avec leur maison-mère Daech, sans aucune logistique, dans un lieu éloigné et sur la personne de deux victimes particulièrement vulnérables. Comment aurait-on pu parer à cela ? Comment y parer à l’avenir ? Aucun moyen, sauf une foi inébranlable en notre société et en notre police… car n’importe quel marginal peut se marginaliser, puis se radicaliser, chercher et trouver une « raison » à sa vie, et basculer en meurtrier se réclamant de Dieu.
3/ La réaction des Marocains est unanime : horreur, honte, rejet, condamnation. La réaction des Marocains est authentique, sincère, profonde. Comme en France, comme en Espagne, comme aux Etats-Unis, cette population pourrait organiser une marche silencieuse de condamnation de l’acte et de ses auteurs, de recueillement à la mémoire des victimes, et de démonstration au monde de son refus de tels actes.
En revanche, les positions des partis politiques est inutile. Le Marocain n’a nul besoin de politiques pour relayer son aversion pour l’abjection commise à Imlil. Un chef de parti condamnant le double assassinat reste un Marocain qui s’exprime, mais s’il parle au nom de sa formation, cela devient totalement inutile, voire même déplacé. Quand la terreur survient, la politique doit se taire.
4/ On entend déjà parler de la réputation du Maroc, comme si le Maroc était responsable de cet acte. Pourquoi France, Espagne, Allemagne, Russie, Italie, Belgique, Turquie, Etats-Unis… ne seraient-ils pas responsables des atrocités commises sur leur sol, et pourquoi le serions-nous ? Le crime est individuel, les victimes sont des humains, mais la douleur et la colère sont universelles. Tous les pays condamnent ces actes, les Etats se présentent mutuellement leurs condoléances et c’est tout un faisceau d’éléments et de facteurs qui sont à l’origine de ces ignominies. Pas le Maroc. Il est donc inutile et déplacé de
se sentir coupable de faits perpétrés par des malades.
L’Etat a réagi par la voix de son chef du gouvernement, le peuple s’est exprimé sur les réseaux et peut se recueillir collectivement et condamner unanimement, la police a fait son travail, dans sa rapidité et son efficacité coutumières. Nul besoin de battre sa coulpe.
5/ La religion musulmane n’est pas responsable mais elle a été prise pour argument et pour base par ces quatre criminels. La réforme de l’enseignement religieux a commencé. Elle doit se poursuivre, absolument. Une réflexion autour de la place de la religion dans la cité doit également être lancée car si l’islam n’est pas responsable de ce qui a été fait, il a servi de fondement au crime, et n’importe quel fou pourra rééditer l’acte des assassins des jeunes Scandinaves. Au nom de l’islam.
Voilà à quoi sert la laïcité… à inscrire la religion et la foi dans les cœurs et la passion, et placer le droit et la loi dans les esprits et la raison.
La laïcité n’a certes pas protégé Belges et Français d’actes terroristes mais ni en France ni en Belgique, il n’existe 35 millions de musulmans, élevant d’autant le taux réel des fous qui passent à l’action. Et, encore une fois, pour ceux qui le croient toujours, la laïcité n’est pas synonyme d’athéisme, elle est simplement la dissociation de la foi et de la loi dans la politique et la société.
6/ Avec l’effroi et la douleur suscités par l’abjection d’Imlil, le débat sur la peine de mort refait surface. On entend un grand nombre de personnes réclamer la peine capitale pour les meurtriers. Mais justice n’est pas synonyme de vengeance ; une justice doit être sereine. Il ne faut pas verser dans les excès et tuer à tour de bras. Au 21ème siècle, un Etat digne de ce nom ne tue pas, il châtie sévèrement en fonction de sa loi. Tuer un tueur revient à appliquer la loi du talion… tuer un tueur ressemble à une vengeance. Au 21ème siècle, une société civilisée ne porte pas atteinte à l’intégrité physique des personnes.
Et pour les vengeurs, passer des dizaines d’années sous les verrous en régime sévère est bien plus rude que d’être occis. Cela permet de réfléchir, si on peut, et de faire acte de contrition, si on veut.
Au Maroc, nous ne remercions pas nos forces de sécurité pour avoir fait leur travail, nous leur rendons hommage, nous les félicitons et nous les encourageons, les soutenons. L’acte commis à Imlil était imparable car il n’a nécessité aucune préparation ni logistique, contrairement à ce qui se passe sous d’autres cieux, où les terroristes passent entre les mailles des filets sécuritaires. Cela ne se produit pas sous nos cieux. Soyons forts, restons confiants, l’instant est terrible mais les Marocains ont connu pire, restant capables du meilleur, malgré les soubresauts sociaux et les hiatus politiques.